Disproportion de l’engagement de caution : une défense au fond non touchée par la prescription.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ1., 31 janvier 2018 FS-P+B, n° 16-24092

 

I – Le cas d’espèce.

 

Une Banque qui octroie plusieurs prêts prend en garantie le cautionnement d’un couple. Après avoir prononcé la déchéance du terme des prêts à raison de plusieurs impayés, la Banque se retourne contre les garants.

 

De manière traditionnelle, l’argumentation de la disproportion est évoquée.

 

La Banque opposera la prescription et se prévaudra d’une fin de non-recevoir à cet effet.

 

La cour d’appel saisi du litige rejettera la fin de non-recevoir et estimera que la Banque ne peut se prévaloir de sa garantie.

 

En effet, elle précise que l’exception soulevée au regard des dispositions de l’article L332-1 du Code de la consommation n’est pas soumise à la prescription de l’article L110-4 du Code de commerce.

 

Pour mémoire l’article L110-4 précise :

 

« I.- Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

 

II.- Sont prescrites toutes actions en paiement :

 

1° Pour nourriture fournie aux matelots par l’ordre du capitaine, un an après la livraison ;

 

2° Pour fourniture de matériaux et autres choses nécessaires aux constructions, équipements et avitaillements du navire, un an après ces fournitures faites ;

 

3° Pour ouvrages faits, un an après la réception des ouvrages. »

 

La Banque forme alors un pourvoi.

 

II – L’arrêt de rejet de la Cour.

 

La Cour de cassation rejettera le pourvoi formé par la Banque et précisera que « qu’une défense au fond, au sens de l’article 71 du code de procédure civile, échappe à la prescription ; que constitue une telle défense le moyen tiré de l’article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, selon lequel l’engagement de caution d’une personne physique manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d’effet à l’égard du créancier professionnel ; ».

 

Autrement dit, la défense au fond constitué par la disproportion en l’espèce échappe à la prescription.

 

Cet arrêt était également l’occasion pour la Cour de cassation de rappelé le principe de l’article L332-1 du Code de la consommation précisant qu’ « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

 

Aussi bien, la disproportion empêche la Banque de se prévaloir du cautionnement et n’est pas une action en nullité du cautionnement.

 

Par cet arrêt la Cour fait donc le rappel d’un principe essentiel tiré du Code de la consommation et précise la nature de l’argumentation portant sur la disproportion.

 

Au-delà du texte, l’arrêt permet de rappeler les différences qui existent entre les différents moyens de défense, à savoir : la défense au fond, la fin de non-recevoir et l’exception de procédure.

 

Pour mémoire, le premier consiste à contester le droit de son adversaire et tend à obtenir le débouté du demandeur au motif que sa demande est infondée. L’exception de procédure permet de contester la régularité de la procédure ou d’en solliciter la suspension. Enfin, la fin de non-recevoir permet de contester le droit d’agir de l’adversaire.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats.

 

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