Déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Frédéric VAUVILLÉ
Frédéric VAUVILLÉ

  

SOURCE : Cass Com., 5 avril 2016, n°14-24640, Publié au Bulletin

 

Protéger pour rassurer. Rassurer pour prendre le risque d’entreprendre. Tel a été le ressort psychologique choisi par le législateur lorsqu’il a créé en 2003 la déclaration notariée d’insaisissabilité. Assuré de ne pas perdre sa maison, l’entrepreneur individuel se lancera plus volontiers dans la vie des affaires. Sans qu’on sache s’il s’agissait d’un oubli ou d’un choix légistique, la loi n’a pas dit pour autant ce que deviendrait l’immeuble en cas de mauvaises affaires, c’est-à-dire en cas d’ouverture d’une procédure collective.

 

Il faudra attendre plusieurs arrêts de la Cour de cassation pour que soit consacrée l’opposabilité de la déclaration d’insaisissabilité à la procédure collective. Pour autant, plusieurs interrogations restaient en suspens. En particulier, parce que l’insaisissabilité est relative et ne peut être opposée ni aux créanciers antérieurs, ni aux créanciers extraprofessionnels, se pose la question de savoir si, nonobstant la procédure collective, ces créanciers peuvent saisir le bien. L’arrêt rapporté en date du 5 avril 2016 tranche, sauf erreur pour la première fois, cette difficulté qui n’a rien de résiduel.

 

En l’espèce, un entrepreneur fait classiquement publier le 10 mars 2010 une déclaration d’insaisissabilité avant d’être mise en liquidation judiciaire le 28 juin 2011. Point particulier de l’affaire : par un jugement du 6 janvier 2011, ce professionnel est condamné à payer une certaine somme pour la mauvaise exécution, en 2008, d’un contrat et le créancier inscrit le 19 juin 2012 (donc après la déclaration et après la liquidation judiciaire), une hypothèque judiciaire avant de saisir l’immeuble au cours de la procédure. Un arrêt infirmatif rendu le 30 juin 2014 par la cour d’appel de Grenoble jugera que la saisie est irrecevable au motif que « la vente d’un immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire est régie par les articles L. 642-18, R. 642-22 à R. 642-29 et R. 642-36-1 à R. 642-37-1 du code de commerce ; que ces dispositions prévoient que le créancier peut en cas d’inaction du liquidateur judiciaire faire procéder à la vente de l’immeuble par voie d’adjudication judiciaire, sur autorisation du juge-commissaire, et non par voie de saisie immobilière ; que la circonstance que l’immeuble du débiteur ait fait l’objet avant le placement en liquidation judiciaire d’une déclaration d’insaisissabilité n’autorise pas le créancier hypothécaire, qui s’estime comme en l’espèce bénéficiaire d’une créance née antérieurement à cette déclaration et contrairement à ce qu’il soutient, à déroger aux règles de procédure susvisées en s’abstenant de saisir le juge-commissaire d’une demande de vente aux enchères publiques du bien en cause, le liquidateur judiciaire ne pouvant dans cette hypothèse agir en ses lieux et place étant en charge de l’intérêt collectif de l’ensemble des créanciers, et à avoir recours à une saisie immobilière ».

 

Dans son pourvoi en cassation, le créancier rappellera que « la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant », pour en déduire que « l’immeuble faisant l’objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité n’est pas incorporée dans le périmètre de la saisie des biens appartenant au débiteur, à l’encontre duquel a ultérieurement été ouverte une procédure de liquidation judiciaire, de sorte que les créanciers auxquels la déclaration notariée d’insaisissabilité, postérieure à leur créance, est inopposable, et qui ont donc conservé le droit de saisir l’immeuble, ne sont pas soumis, lorsqu’ils veulent agir sur l’immeuble, aux règles de la procédure collective ».

 

L’arrêt d’appel sera cassé au visa des articles L. 526-1 et L. 643-2 du Code de commerce : « si un créancier à qui la déclaration d’insaisissabilité est  inopposable, peut faire procéder à sa vente sur saisie, il ne poursuit pas cette procédure d’exécution dans les conditions prévues par l’article L. 643-2 du Code de commerce, lequel concerne le cas où un créancier se substitue au liquidateur n’ayant pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois de la liquidation et non celui où le liquidateur est légalement empêché d’agir par une déclaration d‘insaisissabilité qui lui est opposable, (de sorte que) ce créancier n’a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l’immeuble qui n’est pas, dans ce cas, une opération de liquidation judiciaire ». La solution, jusqu’alors inédite, se fonde à la fois sur l’insaisissabilité relative de l’immeuble (1°) et son opposabilité au liquidateur (2°). Elle nous parait régler, par ricochet, d’autres difficultés (3°).

 

I –

 

L’insaisissabilité est relative en ce sens que l’immeuble déclaré insaisissable peut tout de même être saisi par certains créanciers : d’une part, les créanciers antérieurs (pour des raisons évidentes de sécurité juridique), d’autre part, les créanciers dont les droits ne sont pas nés pour les besoins de l’activité professionnelle (limite congénitale d’un mécanisme destiné à protéger l’entrepreneur individuel de ses créanciers professionnels). La double limite vaut logiquement aussi pour la récente insaisissabilité de droit instituée par la loi du 6 août 2015, même si le nouvel article L. 526-1 du code de commerce se contente d’énoncer que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ». Par hypothèse, l’insaisissabilité ne pourra pas être opposée aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à l’activité professionnelle.

 

S’agissant de la déclaration d’insaisissabilité, dont l’intérêt demeure pour les immeubles autres que la résidence principale qui ne sont pas affectés à un usage professionnel, l’article L. 526-1 alinéa 2 prévoit comme hier que la déclaration « n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant ».

 

Reste à bien cerner les contours de cette limite essentielle que le notaire devrait prendre soin de souligner lorsqu’il reçoit une déclaration d‘insaisissabilité. Sauf erreur, la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur la difficulté. On sait toutefois désormais, grâce à l’ajout de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, que le Trésor public est un créancier professionnel au sens de l’article L. 526-1 : si comme le précise maintenant le 3° alinéa de l’article L. 526-1, « l’insaisissabilité… n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales… », c’est qu’en l’absence de fraude, la déclaration lui est opposable ; les créances d’impôts devraient donc être rangées parmi celles qui sont « nées à l’occasion de l’activité professionnelle » (qualification largement artificielle si l’on songe à l’impôt sur le revenu puisqu’il est aussi établi sur des revenus non professionnels, par exemple les revenus fonciers ou encore les revenus d’épargne).

 

L’arrêt du 5 avril dernier soulève implicitement la question de l’antériorité et du fait générateur de la créance. C’est en effet suite à un contrat mal exécuté en 2008 que le professionnel a été condamné en janvier 2011 à payer une certaine somme, mais dans l’intervalle (en mars 2010), il a fait publier une déclaration d’insaisissabilité. Apparemment nul n’a contesté que le créancier était antérieur, si bien qu’il pouvait saisir le bien nonobstant la déclaration. La critique n‘aurait mené nulle part : l’antériorité s’apprécie par rapport au fait générateur de la créance ; en l’espèce, il s‘agissait de la mauvaise exécution du contrat et non de la condamnation par le juge. Les notaires, appelés à recevoir une déclaration d‘insaisissabilité, en ont tiré la leçon depuis longtemps : en cas de procès intenté par un client mécontent, inutile de faire publier en urgence une déclaration d‘insaisissabilité : le mal est fait ! De ce point de vue, l’insaisissabilité de droit change totalement la donne si du moins il s’agit de la mauvaise exécution d‘un contrat conclu dans l’exercice de la profession : la résidence principale de l’entrepreneur individuel engageant sa responsabilité professionnelle sera en toute hypothèse protégée.

 

Si la Cour de cassation ne tranche pas en l’espèce cette problématique qui ne lui était pas soumise, elle répond en revanche à la question inédite de savoir si les créanciers qui peuvent saisir peuvent encore le faire en cas de procédure collective.

 

II –

 

 Rappelons brièvement les termes du débat : l’immeuble déclaré insaisissable (et aujourd’hui la résidence principale insaisissable de droit) échappent-ils à la procédure collective de l’entrepreneur individuel ? La question, aussi essentielle que peut l’être un « crash test », n’a pas été réglée par le législateur en 2003. D’où des hésitations en doctrine et des flottements en jurisprudence.

 

On doit ici rappeler qu’en tant que saisie collective, la procédure collective ne peut appréhender que les biens engagés par le débiteur, de sorte que les biens insaisissables doivent être considérés comme « hors procédure ». Mais en cas de déclaration d’insaisissabilité, l’insaisissabilité est relative : elle n’a, comme on l’a rappelé, « d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant » ; la déclaration n’a donc pas d’effet, ni à l’égard des créanciers antérieurs, ni à l’égard des créanciers dont les droits ne naissent pas à l’occasion de l’activité professionnelle (les créanciers dits privés). Les biens déclarés insaisissables sont ainsi insaisissables par les uns, mais pas par les autres. C’est principalement autour de cette donnée essentielle que s’est articulée la jurisprudence de la Cour de cassation pour régler la question des effets de la déclaration d’insaisissabilité en cas de procédure collective.

 

La Cour de cassation jugera d’abord, dans un arrêt fondamental largement commenté, que « le juge- commissaire ne peut autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques de l’immeuble dont l’insaisissabilité lui est opposable », après avoir énoncé que « le débiteur peut opposer la déclaration d‘insaisissabilité qu’il a effectuée en application de l’article L. 526-1 du Code de commerce, avant qu’il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du dessaisissement prévue par l’article L. 641-9 du Code de commerce » (Com. 28 juin 2011 : Bull. civ. IV n° 109 ; D 2011. Actu. 1751 obs. Lienhard et 2012. Pan. 2201 obs. P.-M. Le Corre ; rev. Sociétés 2011. 526 obs. P Roussel Galle ; JCP E 2011. 1551 note Pérochon ; adde notre étude : La déclaration d’insaissisabilité, ça marche ! Rép. Defrénois 2011 p. 1592). Deuxième déconvenue.

 

Quelques mois plus tard, il sera jugé, à propos d’un artisan immatriculé tant au répertoire des métiers qu’au registre du commerce et des sociétés, mais dont la déclaration n’avait été publiée qu’à un seul des registres, que le liquidateur ne peut se prévaloir de cette circonstance pour poursuivre la vente du bien déclaré insaisissable car il ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et non pas seulement dans l’intérêt d’un groupe de créanciers, en l’occurrence dans l’intérêt des créanciers professionnels postérieurs auxquels la déclaration est en principe opposable (Com. 13 mars 2012, D. 2012, 1460, note Marmoz ; ibid . Actu 807, obs. Lienhard ; Rev. Sociétés 2012. 394, obs. Henry ; JCP E 2012, 1325, note Le Corre ; Act. Proc. Coll. 2012, n° 105, obs. Vallansan ; LEDEN mai 2012, p. 1, Obs. FX Lucas – V. Legrand, LPA 3 mai 2012, Rép. Defrénois 2012, p. 1016 note F Vauvillé).

 

D’autres arrêts suivront et reprendront cette idée selon laquelle « le liquidateur ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et non dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe de créanciers (Cass. com., 18 juin 2013, n° 11-23716, JCP E 2013, 1452, note Ch.Lebel, Bull. Joly Entreprises en difficulté 2013, p. 667, note E. Mouial-Bassilana, JCP N 2014, 1133, note J.-P. Garçon).

 

Dans ses derniers arrêts, la Cour de cassation se montre plus péremptoire, probablement parce que les meilleurs « faillitistes » lui reprochent une approche inexacte et rétrograde de l’intérêt collectif (v. spécialement F Pérochon « Entreprises en difficulté », 10éme éd. n°1195). Ainsi, dans un arrêt du 5 mai 2005, juge-t-elle que « l’immeuble litigieux ayant fait l’objet d‘une déclaration d‘insaisissabilité publiée avant l’ouverture de la liquidation judiciaire…, c’est à bon droit que la cour d’appel a refusé d’autoriser le liquidateur à poursuivre la licitation de ce bien dont l’insaisissabilité lui était opposable » (n° de pourvoi 14-11949). Même approche dans un arrêt du 24 mars 2015 (n° de pourvoi : 14-10175) alors que la Cour d’appel avait admis que l’existence d’un créancier personnel suffisait à permettre au mandataire de poursuivre la réalisation du bien : « le débiteur peut opposer à son liquidateur la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée avant d’être mis en liquidation judiciaire », si bien que « le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable » (v. encore Cass. Com. 22 mars 2016, n° de pourvoi 14-21267, alors qu’un créancier antérieur avait donné son accord à la mise en vente : « attendu que le juge-commissaire ne pouvant, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble dont l’insaisissabilité lui est opposable, c’est à bon droit qu’après avoir constaté que la déclaration d’insaisissabilité faite par M. X… avait été publiée avant l’ouverture de sa procédure collective, la cour d’appel a infirmé la décision du juge-commissaire »).

 

Certains auteurs y ont vu une évolution du fondement de l’opposabilité de la déclaration (voir l’étude de Christine Lebel in Defrénois 2015 n° 120W0 et nos observations in Défrénois 2016).Il n’en demeure pas moins que l’insaisissabilité n’est opposable au mandataire que s’il existe des créanciers auxquels la déclaration est opposable, c’est-à-dire des créanciers professionnels postérieurs à la déclaration (ou des créanciers professionnels tout court si on raisonne sur l’insaisissabilité de droit), ce qui, il est vrai, est pratiquement toujours le cas. De même y a-t-il toujours aussi des créanciers auxquels la déclaration n’est pas opposable, ne serait- ce que des créanciers privés (car un débiteur en difficulté cesse fatalement de payer ses créanciers sans distinguo). Si la Cour de cassation n’explique plus pourquoi, elle reconnait clairement que le mandataire ne saurait agir au nom de ces créanciers auxquels l’insaisissabilité est inopposable.

 

Conséquence : le bien échappe à la procédure puisque le mandataire ne peut le réaliser ; il est « hors procédure » ; pourquoi, dès lors, les créanciers auxquels l’insaisissabilité est inopposable, ne pourraient pas agir et le saisir ? Si le bien est hors procédure, on ne peut pas lui appliquer les règles des procédures collectives, spécialement la règle de l’arrêt des poursuites. Les créanciers auxquels la déclaration n’est pas opposable, spécialement les créanciers antérieurs, pourraient donc saisir, nonobstant la procédure (v. en ce sens, A Lienhard obs. préc. D 2013 ; adde notre étude « Déclaration d’insaisissabilité par un débiteur en difficulté : fraude ou pas fraude ? », Rép. Défrénois 2013, 113g9 ; F Pérochon, op. cit. n° 1196 ; comp. V Legrand et J Vallansan, « déclaration notariée d’insaisissabilité et/ou statuts d’EIRL : quelle technique choisir après l’arrêt du 30 juin 2011 ? » : Rev. Proc. Coll. 2011 étude 30).

 

Telle est la solution que retient en l’espèce la Cour de cassation et qui se situe dans le prolongement de sa jurisprudence sur l’opposabilité de l’insaisissabilité au mandataire de justice : d’une part, le créancier auquel la déclaration est inopposable peut saisir l’immeuble qui ne fait pas partie de la procédure ; d’autre part, s’il le fait, c’est forcément en dehors de la liquidation judiciaire. C’est ainsi qu’il faut comprendre la formule de l’arrêt : « si un créancier, titulaire d’une sûreté réelle, à qui la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable (en application de l’article L 526-1), peut faire procéder à sa vente sur saisie, il ne poursuit pas cette procédure d’exécution dans les conditions prévues par l’article L 643-2, lequel concerne le cas où un créancier se substitue au liquidateur n’ayant pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois de la liquidation et non celui où le liquidateur est légalement empêché d’agir par une déclaration d’insaisissabilité qui lui est opposable ». La Cour de cassation en tire logiquement cette conséquence que « ce créancier n’a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l’immeuble qui n’est pas, en ce cas, une opération de liquidation judiciaire ». S’appliqueront donc les règles de droit commun de la saisie immobilière.

 

D’autres questions ne manqueront pas alors de se poser.

 

III –

 

Parce que le bien est hors procédure, on ne lui applique pas les règles de la procédure collective. Si la Cour de cassation ne le précise pas car la question n’était pas dans le débat, il n’est selon nous pas douteux que le créancier concerné n’a pas à déclarer sa créance. La déclaration ne se conçoit qu’au regard des biens « dans » la procédure ; tout doit se passer comme si le bien saisissable par le créancier figurait dans un patrimoine tiers (ou encore dans le patrimoine non affecté d’un EIRL).

 

S’agissant de la saisie, qui débutera forcément par un commandement délivré au débiteur en personne, se posera la question de savoir si une vente amiable pourra être autorisée par le juge de l’exécution. Rien ne s’y oppose et à cette occasion, on ne voit pas qui d’autre que le débiteur seul pourrait signer l’acte. Quant au prix, comme le prévoit le code des procédures civiles d’exécution, il sera déposé à la CDC en vue du paiement du créancier poursuivant. Mais quid du solde, si solde il y a, ce qui pourrait être le cas dans l’affaire jugée par la Cour de cassation (et comme ce sera généralement le cas à chaque fois qu’un créancier privé se lancera dans la saisie) ?

 

On sait que l’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit un report de l’insaisissabilité sur le prix, mais seulement en cas de remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition d‘un immeuble où sera fixée la nouvelle résidence principale du débiteur. Mais à défaut de remploi, le prix ne peut être considéré comme insaisissable : le report d’insaisissabilité sur le prix est conditionné par le remploi des sommes à l’acquisition d’une nouvelle résidence principale. Si telle n’est pas l’intention du débiteur, on voit mal comment soutenir qu’il y a report d’insaisissabilité. Dans ce cas, le prix doit donc être considéré comme saisissable et revient dès lors au mandataire liquidateur qui sera chargé d’assurer le paiement des créanciers. Mais comment la CDC le saura ? Comment connaîtra -t-elle les intentions du débiteur ? Pratiquement, elle libérera le solde entre les mains du débiteur, qui lui-même n’aura pas forcément conscience de disposer de fonds revenant à la procédure. Le liquidateur, s’il ne récupère pas les fonds, pourrait bien alors soutenir que, d’une part, le paiement fait par la CDC n’est pas libératoire, d’autre part, le débiteur risque la banqueroute pour détournement d’actif. L’articulation entre l’insaisissabilité et la procédure collective n’a pas encore livré tous ses secrets…

 

Frédéric VAUVILLE

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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