Constitutionnalité du délai de revendication

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 7 mars 2017, pourvoi n° 16-22.000.

 

Tous les délais du Livre VI du Code de Commerce font l’objet, les uns après les autres, de la présentation d’une QPC. La raison est évidente : les délais sont courts, et le créancier défaillant subit des conséquences importantes (inopposabilité de sa créance en cas de déclaration tardive, inopposabilité du droit de propriété en cas de revendication tardive, etc…).

 

Mais la Cour de Cassation tend à refuser de transmettre les QPC, et lorsque le Conseil Constitutionnel est saisi, il déclare systématiquement les dispositions conformes.

 

A chaque fois, les décisions font valoir l’objectif d’intérêt général de procédures collectives courtes, et corrélativement l’atteinte proportionnée aux droits fondamentaux, du fait de délais raccourcis.

 

La dernière QPC en date rentre de nouveau dans ce schéma.

 

Un créancier avait présenté tardivement sa demande en revendication, là encore enfermée dans un délai court (3 mois à compter de la publication au Bodacc, sans possibilité de relevé de forclusion, ni d’augmentation du délai pour les créanciers étrangers).

 

Il soulève la QPC de la conformité à la Constitution de l’article L624-9 du Code de Commerce, dans ces termes :

 

« Les articles L624-9 et L624-10-1[1] du Code de Commerce, en ce qu’ils ont pour effet de rendre inopposable à la procédure collective le droit du propriétaire sur les biens remis au débiteur dès lors qu’il ne les a pas revendiqués dans les trois mois du jugement d’ouverture, y compris lorsque les organes de la procédure ont demandé la continuation du contrat en vertu duquel les biens ont été remis, et sans que soit prévue une procédure de relevé de forclusion, portent-ils une atteinte disproportionnée au droit de propriété, tel qu’il est garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? ».

 

On comprend en filigrane les raisons de la procédure : les organes de la procédure collective ont vraisemblablement opté pour la poursuite d’un contrat de location, et le loueur a considéré que cette continuation valait reconnaissance du droit de propriété… ce qui n’est pas le cas.

 

On ne le répètera jamais assez : les 3 obligations du co-contractant/propriétaire/créancier sont cumulatives :

 

La déclaration de créance permet de rendre opposable à la procédure les créances. C’est un rapport créancier / débiteur ;

 

– La revendication organise les rapports propriétaire / détenteur ;

 

– Et enfin l’option sur les contrats en cours concerne le rapport co-contractant/co-contractant.

 

Les parties ont à chaque fois une « casquette » différente, rendant chaque action obligatoire et indépendante.

 

La réponse de la Cour de cassation, qui refuse donc la transmission de la QPC, est des plus classiques. Elle retient que la disposition critiquée « n’a ni pour objet, ni pour effet d’entraîner la privation du droit de propriété ». Elle ajoute que « l’inopposabilité du droit de propriété sur le bien qui n’a pas été revendiqué dans le délai prévu sanctionne la défaillance du propriétaire à se soumettre à la discipline collective instaurée en vue de la connaissance rapide du contenu du patrimoine du débiteur et du gage des créanciers. Elle répond à un objectif d’intérêt général, sans porter une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété, dès lors, en outre, que le délai ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir ».

 

Rien que de très classique, en somme.

 

Il faut cependant s’attendre à d’autres QPC similaires, notamment relatives aux délais applicables en matière de contestation de créances. Sujet à suivre, donc.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats


[1] S’agissant de l’article L 624-10-1, ce volet de la question est déclaré irrecevable, le texte n’était pas relatif au délai.

 

 

 

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