Source : Cass. Com., 8 mars 2017, pourvoi n° 15-16.005, P+ B
L’arrêt ici commenté présente une situation procédurale assez originale.
Une société est placée en liquidation judiciaire, par un jugement qui prend acte de l’engagement du dirigeant d’apurer le passif social par virements mensuels de 3 000 € sur le compte CDC du liquidateur.
L’engagement est tenu plusieurs mois, avant que le dirigeant annonce rencontrer des difficultés personnelles, et qu’il soit lui-même personnellement placé en redressement judiciaire.
Le mandataire de la première société déclare alors une créance au passif du dirigeant, créance qui est contestée. La Cour confirme la décision de rejet du juge-commissaire, et le liquidateur de la société forme alors un pourvoi.
Il se prévaut du jugement de liquidation de la société, qui avait acté l’engagement du dirigeant d’apurer le passif. Il critique la décision de la Cour d’Appel, qui avait retenu que l’engagement du dirigeant n’avait pas un objet certain, puisqu’il n’était pas assorti d’un terme précis, et que le montant n’était pas non plus exactement déterminé. A l’inverse, le liquidateur estime que la quotité et la durée étaient déterminables. De plus l’engagement de payer était dûment établi par un commencement de preuve par écrit (le jugement de liquidation, mais également 4 courriers du dirigeant).
La Cour de Cassation rejette le pourvoi, selon une argumentation que nous semble devoir être approuvée sans réserve :
« lorsque la liquidation d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, les dispositions des articles L651-2 et suivants du code de commerce ouvrent […] une action en responsabilité contre le ou les dirigeants, en cas de faute de gestion de leur part ayant contribué à cette insuffisance ; qu’il en résulte que l’insuffisance d’actif ne peut être mise, en tout ou partie, à la charge d’un dirigeant qu’à la suite d’une assignation de celui-ci à cette fin et seulement par une décision de condamnation ou, avant l’intervention d’une telle décision, par une transaction. »
La Cour, par cet attendu qui doit être accueilli comme un attendu de principe, procède à un rappel à l’ordre nécessaire : le dirigeant n’est tenu de contribuer à l’insuffisance d’actif que s’il est reconnu fautif, et condamné à ce titre. C’est-à-dire dans le cadre d’une procédure distincte de la liquidation elle-même, à laquelle il est attrait par une assignation, et au cours de laquelle il peut organiser sa défense effective.
A l’inverse, le doute peut toujours exister quant à la validité d’un engagement pris par le dirigeant sous pression, au cours d’une seule audience, face à un tribunal et/ou des organes de la procédure potentiellement hostiles. Dit autrement, les conditions du respect des droits de la défense ne sont pas remplies, s’agissant de l’engagement du dirigeant d’apurer personnellement le passif, acté dans le jugement de liquidation.
Le rappel est d’importance : le remboursement du passif par le dirigeant procède exclusivement d’une action en sanctions.
Pour autant, dès lors que les droits de la défense ont été dûment respectés, rien n’empêche la négociation, et la signature d’une transaction. Mais dont le contenu ne sera plus sujet à soupçons sur les conditions de son obtention.
C’est au moins la deuxième fois que la procède à un rappel de ce type, en matière de procédures collectives, en quelques semaines[1] : les droits de la défense, et le droit à un procès équitable sont des principes dont le respect est un combat perpétuel.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats
[1] Voir aussi notre article :Action en report de la date de cessation des paiements et droit propre du débiteur