Les actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles.

 

Habilité à agir par voie d’ordonnance, le Gouvernement a adopté les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l’Union européenne[1]. Par un projet de loi daté du 9 mars 2017, le gouvernement ouvre à l’ordonnance à la voie de la ratification parlementaire[2].

 

La finalité du dispositif normatif vise à faciliter l’émergence des recours indemnitaires lorsque la commission d’une pratique anticoncurrentielle prononcée par l’Autorité de la concurrence ou par la juridiction de recours ne peut plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire.

 

Pour ce faire, l’ordonnance crée au bénéfice des victimes des présomptions qui facilitent la preuve non seulement du fait générateur de la responsabilité du défendeur à l’action en dommages et intérêts (1) mais aussi du préjudice (2).

 

L’ordonnance comporte par ailleurs des mesures aménageant ou dérogeant à la solidarité légale des personnes ayant concouru à la commission d’une pratique anticoncurrentielle (3.)

 

1. Présomption du fait générateur de responsabilité du défendeur à l’action en dommages et intérêts

 

L’article 3 de l’ordonnance codifié à l’article L.484-1 du code de commerce établit à l’encontre du défendeur à l’action en dommages et intérêts une présomption de responsabilité pour la commission de pratiques anticoncurrentielles[3]. Cette présomption est constituée dès lors que l’existence et l’imputation de ces pratiques ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire. Cette présomption peut résulter d’une décision prononcée par l’Autorité de la concurrence, par la juridiction de recours d’un autre Etat membre de l’Union européenne, ou par une décision définitive de la Commission européenne.

 

 2. Présomptions irréfragables du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles

 

L’ordonnance opère un renversement de la charge de la preuve dans l’établissement du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles.

 

Au visa du nouvel article L.481-5 du cde de commerce, l’acheteur indirect, qu’il s’agisse de biens ou de services, est réputé avoir apporté la preuve de cette répercussion lorsqu’il justifie de trois conditions cumulatives :

 

« 1° Le défendeur a commis une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l’article L. 481-1 ;

 

2° Cette pratique a entraîné un surcoût pour le contractant direct du défendeur ;

 

3° Il a acheté des biens ou utilisé des services concernés par la pratique anticoncurrentielle, ou acheté des biens ou utilisé des services dérivés de ces derniers ou les contenant. »

 

 

Afin d’exonérer sa responsabilité, le défendeur à l’action sera tenu à la démonstration de la circonstance que la pratique anticoncurrentielle n’a pas engendré de surcoût, répercuté sur l’acheteur indirect ou qu’il ne l’a été que partiellement par son contractant antérieur.

 

L’établissement de ces présomptions et parades en défense s’inscrivent dans une volonté de maintenir un équilibre entre les différentes composantes de l’ordre public concurrentiel. Celui-ci se décline à la fois dans le droit d’accès des victimes aux éléments de preuve nécessaires à la reconnaissance de leurs droits et d’autre part, le droit des entreprises à préserver leurs secrets d’affaires et informations économiques sensibles.

 

3. Les mesures d’aménagement et d’exonération à la responsabilité des auteurs de pratiques anticoncurrentielles

 

L’ordonnance comporte par ailleurs des mesures aménageant la solidarité légale lorsque les personnes ayant concouru à la commission d’une pratique anticoncurrentielle sont des petites ou moyennes entreprises lorsque les hypothèses alternatives de l’article L. 481-10 du code du commerce seraient vérifiées :

 

– « 1° Sa part de marché sur le marché pertinent est inférieure à 5 % pendant toute la durée de la commission de la pratique anticoncurrentielle ;

 

– 2° L’application de l’article L. 481-9 compromettrait irrémédiablement sa viabilité économique et ferait perdre toute valeur à ses actifs. »

 

Les mesures d’exonération concernent la circonstance où l’entreprise auteur des pratiques litigieuses a bénéficié d’une exonération totale de sanction pécuniaire dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure de clémence devant une autorité de concurrence.

 

Harald MIQUET

Vivaldi Avocats



[1] Habilitation prévue à l’article 148 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

[2] Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles (JUSX1711223L).

[3] telles que les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions.

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