SOURCE : Cass.com., 08 octobre 2013, Arrêt n° 941 F – D (n° S-12-25.984)
Aux termes d’un protocole en date du 12 février 2007, l’intégralité des parts sociales d’une société avait été cédée.
Dans le cadre de ce protocole, les cédants ont signé une clause de non concurrence ainsi rédigée :
“Les cédants s’engagent expressément, chacun à titre personnel, à ne pas s’intéresser directement ou indirectement à quelque titre que ce soit, en qualité de salarié, dirigeant, associé, bailleur de fonds, commanditaire ou autrement, à toute autre entreprise quelle qu’en soit la forme juridique ayant une activité analogue à celle exercée actuellement par la Société G, sauf dans toute société appartenant directement ou indirectement à l’acquéreur et/ou après accord de ce dernier.
Cet engagement prend effet à la signature des présentes jusqu’au terme d’une période de trois années après la cessation effective de toute fonction du cédant concerné au sein de la Société G et/ou dans une société appartenant à l’acquéreur.
Cet engagement est limité au département de l’Indre et Loire.”
L’un des cédants est devenu salarié de la société cédée à compter du 02 avril 2007 et a signé en cette qualité une seconde clause de non concurrence, moyennant le versement d’une indemnité.
Le cédant, devenu salarié, ayant quitté son emploi le 10 novembre 2010, après avoir été libéré de la clause de non concurrence prévue dans son contrat de travail, avait créé le 06 janvier 2011 une société exerçant une activité en tout point identique à celle de la société cédée, et ce en violation de la clause de non concurrence contenue dans le protocole du 12 février 2007.
C’est ainsi que l’acquéreur des parts saisissait le Tribunal de Commerce de TOURS, lequel, dans un Jugement du 14 octobre 2011, a jugé que la clause de non concurrence devait s’appliquer et avait été violée par le cédant, ancien salarié, de sorte qu’il était condamné à cesser toute activité, de même que la société qu’il avait créée.
Pour considérer que la clause de non concurrence contenue dans le protocole était valable, les Premiers Juges avaient retenu que la clause était limitée dans le temps et dans l’espace et que sa contrepartie financière était de fait constituée par une partie du prix de cession de l’entreprise.
De son côté, la Cour d’Appel d’ORLEANS, dans un Arrêt du 19 juillet 2012, va considérer que la clause litigieuse est nulle, considérant qu’en application de la clause, celle-ci ne prenait effet qu’à partir de la cessation des activités salariées du cédant, de sorte que les trois années fixées pour sa durée devaient s’écouler du 10 novembre 2010 jusqu’au 10 novembre 2013 et que dès lors que les fonctions salariées du cédant au sein de la société étaient prises en considération pour apprécier la durée de validité de la clause et que celle-ci ayant nécessairement pour effet d’entraver sa liberté de se rétablir, une compensation financière devait lui être offerte.
En l’absence de cette compensation financière qui ne pouvait être considérée comme contenue dans le prix de cession des parts sociales, la Cour considère que la clause était nulle et infirme le Jugement des Premiers Juges.
Par suite, l’acquéreur des parts de la société se pourvoit en Cassation.
La Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 08 octobre 2013, va accueillir le moyen du demandeur à la Cassation.
Au visa des articles 1131 et 1134 du Code Civil et énonçant qu’une clause de non concurrence prévue à l’occasion de la cession de droits sociaux est licite à l’égard des actionnaires qui la souscrivent dès lors qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, que sa validité n’est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière que dans le cas où ses associés ou actionnaires avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salarié de la société qu’ils se sont engagés à ne pas concurrencer, et relevant qu’après avoir constaté qu’à la date du protocole de cession prévoyant l’engagement de concurrence le cédant avait la seule qualité d’associé et n’était devenu salarié de la société que postérieurement à la conclusion du protocole prévoyant cet engagement, de sorte que la Cour d’Appel pouvait retenir la nullité de la clause de non concurrence.
En conséquence, la Cour de Cassation casse et annule dans toutes ses dispositions l’Arrêt rendu par la Cour d’Appel.
Cet Arrêt a pour mérite d’attirer l’attention sur l’intérêt qu’il y a d’éviter la confusion et l’amalgame entre les qualités d’associé et de salarié d’une société, l’étendue des obligations de l’associé, en cas de cession de ses parts, étant beaucoup étendue en matière de l’obligation de non concurrence que celle d’un salarié compte tenu de son obligation de délivrance et de la garantie d’éviction qu’il doit à son acquéreur.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats