SOURCE : Cass.com., 24 septembre 2013, n° 881 FS-P + B (n° 12-24.083).
Dans cette espèce, un couple avait constitué une société civile immobilière le 02 février 1993, puis avait revendu l’ensemble des parts sociales détenues dans cette société le 07 avril 1993 pour un prix symbolique à une personne, laquelle, le jour même, recédait lesdites parts à une autre société dont il était l’associé et le gérant.
21 jours plus tard, la SCI se portait acquéreur d’un ensemble immobilier pour le financement duquel elle contractait un prêt auprès d’un organisme bancaire.
En raison d’un défaut de paiement des échéances du prêt, la banque engageait en conséquence une procédure de saisie immobilière à l’encontre de la SCI.
Le montant de la saisine n’ayant pas été suffisant pour la désintéresser de sa créance, la banque se retournait alors contre les anciens associés de la SCI, lesquels l’assignaient aux fins de voir reconnaître que la banque ne pouvait poursuivre à leur encontre le remboursement de la dette sociale, dès lors qu’ils avaient perdu leur qualité d’associé à compter du 07 avril 1993.
Les Juges du fond vont accueillir les demandes des anciens associés et c’est ainsi que, tout d’abord le Tribunal de Grande Instance de LILLE par un Jugement du 09 mars 2011, puis la Cour d’Appel de DOUAI, dans un Arrêt du 10 mai 2012, déclarèrent les demandes des anciens associés recevables, jugeant que la banque ne pouvait réclamer aux anciens associés la dette sociale créée par l’acte d’acquisition de l’ensemble immobilier.
Au principal, la Cour d’Appel de DOUAI, dans l’Arrêt précité du 10 mai 2012, rappelait que les dispositions de l’article L.123-9 du Code du Commerce instituent, indépendamment de toute autre forme de publicité légale, un régime d’inopposabilité aux tiers et aux administrations publiques en l’absence de publication.
Cependant, ces dispositions excluent expressément du bénéfice de cette inopposabilité les tiers et administrations publiques qui ont eu personnellement connaissance de l’acte ou du fait litigieux.
Or en l’espèce, la Cour d’Appel relevait que si l’acte de cession de parts du 07 avril 1993 n’avait fait l’objet d’aucun dépôt au Greffe du Tribunal de Commerce et par conséquent d’aucune publication au Registre du Commerce et des Sociétés, cet acte avait néanmoins été porté à la connaissance personnelle de la banque par la mention expresse figurant à l’acte de vente du 26 avril 1993 le constatant et par son annexion audit acte de vente, auquel la banque était partie.
Dans ces conditions, la cession de parts sociales réalisées lui était régulièrement opposable.
Doublement déboutée, la banque va néanmoins se pourvoir en cassation.
A l’appui de son pourvoi, la banque reproche à l’Arrêt de la Cour d’Appel sa décision prise sans avoir recherché si l’instance introduite par les anciens associés de la SCI ne rendait pas nécessaire la mise en cause directe de la SCI et de l’ensemble des associés, afin que ces derniers puissent s’expliquer sur la validité des actes de cession, les événements postérieurs à ceux-ci et leur qualité d’associé.
Mais la Cour de Cassation rejette ce premier moyen, précisant que l’ancien associé qui engage une action tendant à faire déclarer opposable à un tiers la cession de ses parts, n’est pas tenu de mettre en cause la société dont les parts ont fait l’objet de la cession, ni les autres associés.
A l’appui de son pourvoi, la banque fait encore grief à la Cour d’Appel d’avoir déclaré sa demande irrecevable à l’encontre des anciens associés de la SCI, prétendant que la connaissance qu’ils avaient pu avoir de la cession de part au travers de l’acte authentique du 28 avril 1993, avait été ultérieurement remis en cause dans la mesure où l’un des anciens associés de la SCI avait continué à se présenter dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ultérieurement initiée, comme étant le gérant de la SCI, ce qui, selon le moyen, aurait été de nature à remettre en cause la connaissance que la banque avait pu avoir lors de la signature de l’acte authentique précité de l’acte de cession et partant, à lui rendre cet acte inopposable.
Mais la Haute Cour rejette à nouveau ce moyen relevant qu’ayant constaté que la cession de parts avait été portée à la connaissance personnelle de la banque par la mention expresse figurant à l’acte de vente du 28 avril 1993 et par son annexion audit acte auquel la banque était partie et ayant retenu que le défaut de publication au Registre du Commerce et des Sociétés de la cessation des fonctions du gérant et la circonstance que celui-ci les exercerait toujours ne sont pas de nature à permettre à la banque de revenir sur l’opposabilité de l’acte de cession litigieux à son égard, la Cour n’avait donc pas à procéder à cette recherche dès lors que la qualité de gérant d’une société civile n’implique pas nécessairement celle d’associé de celle-ci.
Par suite, le second moyen n’était pas non plus fondé.
En conséquence, la Haute Cour rejette le pourvoi formait par la banque et confirme en tous points les décisions des Juges du fonds
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats