Cession d’actions : le droit de préemption conféré à un actionnaire ne peut être rétracté…

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

  

SOURCE : Arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES, 12ème Chambre du 25 juin 2013,   n° 12/01016.

 

Dans cette espèce, des actionnaires d’une société anonyme s’étaient consentis, dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, un droit de préférence réciproque en cas de cession d’actions.

 

Concrètement, il était prévu que si l’un des actionnaires envisageait de céder tout ou partie de ses actions, il s’obligeait à les offrir par préférence à tout acquéreur à l’autre actionnaire.

 

A cet effet, l’actionnaire cédant devait notifier à l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception son projet de cession, en lui en précisant toutes les modalités et l’autre actionnaire disposait d’un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification pour exercer son droit de préférence, à défaut d’un tel exercice, le cédant pouvait alors céder ses actions à qui bon lui semblerait.

 

C’est ainsi qu’en date du 04 janvier du 2010, l’un des actionnaires notifiait à l’autre un projet de cession de ses actions pour un prix de 50 000 € payable comptant, précisant qu’à défaut d’exercice du droit de préférence dans le délai prescrit dans leurs accords, il procéderait à la cession envisagée.

 

L’autre actionnaire, par un courrier recommandé du 26 janvier 2010, faisait connaître son intention d’acquérir ces actions, puis lui notifiait ultérieurement, le 22 mars 2010, sa décision de renoncer à cette acquisition, prétendant affecter la somme correspondante à son compte courant d’associé.

 

L’associé cédant lui notifiait le 23 mars 2010 sa volonté de voir exécuter les engagements qu’il avait pris en raison de l’exercice de son droit de préférence et sollicitait, en vain, la délivrance de l’ordre de mouvement correspondant à la cession litigieuse et la mise à jour des registres de la société.

 

Il assignait finalement son coassocié aux fins d’obtenir l’exécution forcée de la cession des actions litigieuses.

 

Il fut, dans un premier temps, débouté par un Jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 14 juillet 2011.

 

Par suite, l’actionnaire cédant interjetait appel de la décision.

 

La Cour d’Appel de VERSAILLES, dans l’Arrêt précité du 25 juin 2013, va suivre l’actionnaire cédant dans son argumentation.

 

Relevant que, contrairement à ce qu’avait retenu le Tribunal, les dispositions du pacte d’actionnaires, tel qu’il a été rédigé dans des termes clairs ne nécessitant pas d’interprétation, ne ménage pas de faculté de rétractation à l’actionnaire ayant notifié l’exercice de son droit de préemption, mais prévoit simplement les conditions et modalités dans lesquelles l’actionnaire cédant peut poursuivre son projet de cession au profit d’un autre actionnaire que l’actionnaire bénéficiaire du droit de préférence auquel il a notifié son projet de cession initial ou d’un tiers.

 

La Cour relève encore que le pacte ne contient aucune mention permettant de retenir que les parties, dans l’hypothèse où l’actionnaire bénéficiaire du droit de préférence refuse de donner suite à la notification qu’il a régulièrement faite de l’exercice de ce droit, aurait entendu écarter l’application éventuelle des dispositions de droit commun de l’article 1184 alinéa 2 du Code Civil.

 

En conséquence, la Cour relevant que l’actionnaire bénéficiaire du pacte avait, en toute connaissance et sans y être contraint, notifié à son coassocié sa décision d’exercer son droit de préférence, sans aucune condition, ni réserve quant aux principe et conditions de la cession, de sorte que par cet accord de volonté sur la chose et sur le prix, la cession était devenue parfaite en son principe et ses conditions, et que l’actionnaire, bénéficiaire du droit de préemption, ne pouvait unilatéralement la remettre en cause quel qu’en soit le motif, de sorte que coassocié est fondé à en poursuivre l’exécution forcée sur le fondement de l’article 1184 du Code Civil.

 

Par suite, la Cour d’Appel ordonne l’exécution forcée de la vente des actions litigieuses et infirme en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NANTERRE.

 

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

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