SOURCE : Cass Soc., 14 décembre 2016, Arrêt n°15-25.981 – (FS-P+B)
Aux termes des dispositions de l’article L.1226-9 du Code du Travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
En vertu de l’article L.1226-13 du Code du Travail, toute rupture prononcée en vertu de ces dispositions est nulle.
Mais que se passe-t-il lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail au cours d’une procédure de licenciement pour motif économique, entre l’entretien préalable où il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle et la fin du délai de réflexion de 21 jours laissé au salarié pour accepter ou refuser cette proposition, sachant que l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle entraîne la rupture du contrat de travail ?
Tel était le cas soumis à la Chambre Sociale de la Cour de Cassation.
En l’espèce, un salarié employé en qualité d’assistant maître d’hôtel par une société exploitant un hôtel, après avoir refusé une modification de son contrat de travail, avait été convoqué à un entretien préalable le 13 octobre 2011 au cours duquel il lui avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle.
Dès lors, le salarié disposait de 21 jours pour accepter ou refuser cette proposition, délai expirant le 03 novembre 2011.
Pendant le délai de réflexion, en l’occurrence le 20 octobre 2011, le salarié va être victime d’un accident de travail et va adresser à son employeur un certificat d’arrêt de travail daté du même jour.
Puis le salarié va accepter le 31 octobre 2011 le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l’entretien préalable du 13 octobre 2011, de sorte que l’employeur va lui notifier le 04 novembre 2011 les motifs économiques du licenciement.
Ayant ensuite saisi le Conseil des Prud’hommes, puis la Cour d’Appel de PARIS de diverses demandes de condamnation à l’égard de son employeur, le salarié va notamment prétendre à la nullité de la rupture de son contrat de travail.
C’est ainsi que la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 30 septembre 2015, va déclarer nulle la rupture du contrat de travail et condamner l’employeur à payer au salarié diverses sommes à ce titre.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, l’employeur prétend que c’est l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle qui avait emporté la rupture du contrat de travail, de sorte que la lettre de l’employeur énonçant les motifs économiques de la rupture ne pouvait être considérée comme une lettre de licenciement ayant pour effet de rompre le contrat de travail du salarié, ladite lettre énonçant les motifs ayant été adressée le 04 novembre 2011, alors que le salarié avait accepté le 31 octobre 2011 le contrat de sécurisation professionnelle, date à laquelle il fallait se placer pour apprécier la date de rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, l’employeur prétendait également que l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emportant rupture du contrat de travail caractérisait l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.
Enonçant tout d’abord que bénéficie de la protection prévue par les articles L.1226-9 et L.1226-13 du Code du Travail, le salarié qui est en arrêt de travail d’origine professionnelle à la date d’expiration du délai dont il dispose pour prendre parti sur la proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle, et que l’adhésion à ce contrat qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie ou l’accident,
et énonçant ensuite que la situation devait s’apprécier, non pas à la date de proposition du contrat de sécurisation professionnelle, mais à l’expiration du délai de 21 jours pour accepter cette proposition, de sorte que la Cour d’Appel qui a fait ressortir que le salarié était à cette époque en arrêt de travail d’origine professionnelle en a exactement déduit qu’il devait bénéficier de la protection des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.
Cette décision de la Chambre Sociale est préoccupante pour les employeurs mettant en place une procédure de licenciement pour motif économique, puisqu’elle rend la sécurisation de la rupture dépendante de la décision du salarié d’accepter ou de refuser le contrat de sécurisation professionnelle, dans le cas où celui-ci serait victime d’un accident du travail pendant le délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser le contrat de sécurisation professionnelle, dont on sait que son acceptation par le salarié provoque la rupture du contrat de travail.
En suite de la rupture de son contrat de travail, le salarié obtiendrait quasiment automatiquement la nullité de la rupture par-devant les Tribunaux en faisant condamner son employeur au versement des indemnités dues en pareil cas.
Dans cette situation, l’employeur se trouve donc piégé, en quelque sorte soumis à la volonté du salarié d’invoquer la nullité de son contrat de travail en raison d’un fait indépendant de sa volonté survenant en cours de procédure. En pareil cas, l’employeur aurait-il la possibilité de remettre en cause la proposition de contrat de sécurisation professionnelle ?
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats