Suivi médical des salariés : précision sur le nouveau régime en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Décret 2016-1908 du 27 décembre 2016 (JO du 29/12/2016)

 

Les services de la médecine du travail sont surchargés.

 

Quel employeur n’a pas été confronté à ce problème, s’agissant d’organiser une visite d’embauche ou de reprise au travail.

 

Pour pallier à l’engorgement des services de la médecine du travail, la Loi du même nom a considérablement allégé la charge des médecins du travail en assouplissant notamment les règles concernant la fréquence des visites pratiquées par le médecin et en assouplissant la procédure de constatation de l’inaptitude physique.

 

Il est à préciser que ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

 

1 – LA VISITE D’INFORMATION ET DE PREVENTION REMPLACE LA VISITE D’EMBAUCHE ET LES VISITES PERIODIQUES

 

La visite médicale d’embauche a été remplacée par une simple visite d’information et de prévention, pratiquée de façon périodique par un membre de l’équipe pluridisciplinaire : médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail ou infirmier.

 

La visite d’information et de prévention est pratiquée dans un délai maximal de 3 mois à compter de la prise effective de poste.

 

L’organisation de la visite d’information et de prévention incombe à l’employeur. Toutefois, si le salarié a déjà bénéficié d’une telle visite dans les 5 ans précédant cette embauche, l’employeur pourra se dispenser de l’organiser si les conditions prévues par l’article R.4624-15 du Code du Travail sont réunies, savoir :

 

– Lorsque le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents,

– Le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude du salarié,

– Le salarié n’a fait l’objet d’aucune mesure individuelle d’adaptation, d’aménagement ou de transformation du poste, ou d’aucun avis d’inaptitude au cours des 5 dernières années.

 

Cette visite est individuelle, mais il ne s’agit pas d’un examen médical pratiqué par le médecin puisqu’il ne s’agit pas de vérifier l’aptitude médicale du salarié au poste, cette visite d’information et de prévention ayant pour objet, conformément au nouvel article R.4624-11 du Code du Travail :

 

– D’interroger le salarié sur son état de santé,

– De l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail,

– De le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre,

– D’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail,

– De l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par les services de santé au travail et sur la possibilité de bénéficier, à tout moment, d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.

 

Si cette visite n’a pas pour but de vérifier l’aptitude médicale du salarié à son poste de travail, pour autant, le membre de l’équipe pluridisciplinaire qui pratique la visite peut, s’il l’estime nécessaire, orienter sans délai le salarié vers le médecin du travail, lequel effectuera alors un examen médical afin de vérifier son aptitude au poste.

 

A l’issue de cette visite, il sera délivré au salarié et à l’employeur une attestation de suivi.

 

Le salarié bénéficiera, au maximum tous les 5 ans, d’une nouvelle visite d’information et de prévention pratiquée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire.

 

Le délai de renouvellement de cette visite sera fixé par le médecin du travail en fonction des conditions de travail, d’âge et d’état de santé du salarié, ainsi que des risques auxquels il est exposé.

 

2 – SUIVI MEDICAL « ADAPTE »

 

Un service médical dit adapté, plus rapproché, sera appliqué aux travailleurs handicapés, aux personnes titulaires d’une pension d’invalidité, aux travailleurs de nuit, aux salariés âgés de moins de 18 ans et aux femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitant.

 

Les salariés bénéficiant d’un suivi adapté doivent bénéficier de la visite d’information et de prévention préalablement à leur affectation sur leur poste, leur suivi périodique étant effectué tous les 3 ans au maximum, ceci aux termes des dispositions du nouvel article R.4624-18 du Code du Travail. Ces salariés pourront être orientés ou réorientés par l’équipe pluridisciplinaire vers le médecin du travail à tout moment.

 

Il s’agit notamment :

 

– Des travailleurs handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, pour lesquels le Médecin du travail devra fixer la périodicité et les modalités du suivi médical.

– Des travailleurs de nuit au sens de l’article L.3122-5 du Code du Travail, pour lesquels le médecin du travail pourra prescrire des examens médicaux spécialisés complémentaires qui seront à la charge de l’employeur,

– Des jeunes de moins de 18 ans (apprentis notamment).

 

Les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes seront, à l’issue de la visite d’information et prévention ou à tout moment si elles le souhaitent, orientées vers le médecin du travail qui pratiquera un examen médical pouvant donner lieu à préconisation sur l’adaptation du poste ou l’affectation à d’autres postes.

 

Dans le cadre du suivi médical adapté, le salarié pourra bénéficier d’un suivi médical renforcé au cas où le médecin du travail constaterait que le travailleur est affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé, celle de ses collègues ou de tiers évoluant dans l’environnement immédiat de l’intéressé.

 

3 – SUIVI MEDICAL RENFORCE

 

Depuis le 1er janvier 2017, seuls bénéficient d’un examen médical d’aptitude en lieu et place de la visite d’information et de prévention, les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé, leur sécurité ou celle de leurs collègues ou de tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail.

 

Bénéficient également de cette surveillance médicale renforcée, les jeunes de moins de 18 ans affectés à des travaux dangereux.

 

L’article R.4624-23, I et II, définit la liste des postes à risque qui sont ceux exposant les travailleurs :

 

– A des substances ou agents dangereux (amiante, plomb, agent cancérogène, etc…),

– Aux rayonnements ionisants,

– Au risque hyperbare,

– Au risque de chute de hauteur.

 

Il est à noter par ailleurs que l’employeur peut compléter la liste des postes à risque après avis des médecins du travail concernés et du CHSCT ou à défaut des délégués du personnel.

 

La liste ainsi complétée doit être transmise au service de santé du travail.

 

Dans le cadre du suivi médical individuel renforcé, la visite d’information et de prévention est remplacée par un examen médical d’aptitude effectuée par le médecin du travail préalablement à l’affectation sur le poste.

 

Après cet examen médical préalable, le salarié affecté à un poste à risque est revu par le médecin du travail, au maximum tous les 4 ans, étant précisé qu’une visite intermédiaire est effectuée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire, au plus tard 2 ans après la visite du médecin du travail.

 

4 – LA CONSTATATION DE L’INAPTITUDE PHYSIQUE

 

La nécessité de pratiquer deux examens médicaux espacés de 15 jours a été supprimée, la constatation de l’inaptitude peut être faite à l’issue d’un seul examen médical, mais la loi a instauré une procédure de concertation entre le médecin du travail, l’employeur et le salarié préalablement à la prise de décision.

 

Avant d’émettre un avis d’inaptitude, le médecin du travail devra, tout d’abord, pratiquer au moins un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires, ceci conformément aux dispositions du nouvel article R.4624-42 du Code du Travail.

 

Comme auparavant, le médecin du travail devra réaliser ou faire réaliser une étude du poste du salarié et une étude des conditions de travail dans l’établissement.

 

La constatation de l’inaptitude physique du salarié doit être précédée d’échanges entre le médecin du travail, l’employeur et le salarié.

 

Ce dialogue doit permettre à chacune des parties de faire valoir ses observations sur les avis et propositions que le médecin du travail entend leur adresser à l’issue de la procédure.

 

Par ailleurs, pour permettre la constatation régulière d’une inaptitude physique, l’examen médical pratiqué par le médecin du travail devra avoir donné lieu à un échange avec le salarié sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste envisageables ou à défaut la nécessité d’un changement de poste.

 

Enfin, avant de pouvoir prendre sa décision, le médecin du travail devra avoir échangé avec l’employeur, conformément aux dispositions de l’article R.4624-42 du Code du Travail, ce dialogue pourra se faire par tous moyens : courrier, téléphone ou mail.

 

Il est à noter que si la constatation de l’inaptitude physique, à l’issue de deux examens médicaux espacés de 15 jours n’est plus obligatoire, elle reste cependant possible si le médecin l’estime nécessaire pour rassembler les éléments lui permettant de motiver sa décision, auquel cas ce second examen devra être pratiqué dans un délai maximal de 15 jours après le premier examen.

 

La notification de l’avis médical d’inaptitude physique au travail intervient une fois les étapes préalables respectées. Si toutefois le médecin a pratiqué deux examens médicaux, la notification de l’inaptitude intervient, au plus tard, à la date du second examen médical.

 

L’article L.4624-4 du Code du Travail impose au médecin du travail d’assortir son avis d’inaptitude d’indications écrites relatives au reclassement du salarié. Aux termes du décret, le médecin peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, dispensant ainsi l’employeur de toute recherche de poste (article R.4624-42 du Code du Travail).

 

L’avis d’inaptitude médicale émis par le médecin du travail doit être transmis au salarié et à l’employeur par tout moyen leur conférant une date certaine.

 

5 – PROCEDURE DE RECLASSEMENT

 

Il est à noter que la loi de travail a unifié les procédures de reclassement du salarié déclaré inapte, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non.

 

Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, les délégués du personnel devront être consultés dans tous les cas où une recherche de reclassement s’impose, quelle que soit l’origine de l’inaptitude professionnelle ou pas. Dans tous les cas, l’impossibilité de reclassement devra être notifiée par écrit au salarié avant l’engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude.

 

6 – RECOURS CONTRE L’AVIS DU MEDECIN DU TRAVAIL

 

Jusqu’au 31 décembre 2016, l’employeur ou le salarié qui entendait contester l’avis du médecin du travail disposait d’un délai de 2 mois pour saisir l’inspecteur du travail.

 

Désormais, l’employeur ou le salarié qui entend contester l’avis du médecin, devra saisir la formation de référé du Conseil des Prud’hommes pour demander la désignation d’un médecin expert inscrit sur la liste des experts près de la Cour d’Appel.

 

Il est à noter que le recours ne peut porter que sur des éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, ceci conformément aux dispositions de l’article R.4624-45 du Code du Travail.

 

7 – CE QUI N’A PAS CHANGE

 

Certaines dispositions restent inchangées, nonobstant la réécriture ou la renumérotation effectuée par le décret du 27 décembre 2016, il s’agit des dispositions relatives à :

 

– La visite de pré-reprise,

– La visite médicale de reprise,

– L’obligation pour l’employeur d’informer le médecin du travail de tout arrêt de moins de 30 jours consécutifs à un accident du travail,

– L’examen médical pratiqué par le médecin du travail à la demande du salarié ou de l’employeur,

– La possibilité pour le médecin de prescrire des examens médicaux supplémentaires,

– La prise en charge par l’employeur du temps consacré par le salarié à son suivi médical et les modalités de passation des examens et visites.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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