Abus de position dominante dans le secteur de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

SOURCE : Décision n° 18-D-17 du 20 septembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse

 

Les établissements de soins sont tenus par le code de la santé publique de traiter et d’éliminer leurs DASRI dans des conditions et des délais contraints. Seule société́ active sur le marché de l’élimination des DASRI en Corse, SANICORSE entretient des relations contractuelles de longue date avec les établissements de soins corses.

 

Les zones insulaires peuvent, par leur caracteristique inhérente à leur géographie (accessibilté ; taille du marché), être susceptibles de créer les conditions d’une plus faible mise en concurrence des acteur et opérateurs économiques.

 

En l’espèce, la décison de l’Autorité s’intéresse à la situation des établissements de soins corses astreints par le code de la santé publique de traiter et d’éliminer leurs DASRI dans des conditions et des délais contraints.

 

L’autorité relève que seule la société SANICORSE, durablement installée sur le marché et entretenant des relations contractuelles continues actives sur le marché de l’élimination des DASRI jouissait, de fait, d’une position monopolistique.

 

Dans le cadre habituel de sa pratique, l’Autorité rappelle en premier lieu, la définition du marché pertinent et la place occupée par la société SANICORSE (1), avant de caracteriser l’abus de positon dominante de la société par deux principaux griefs relatifs à l’augmentaion brutale, significative persistante et injustifiée du prix des prestations d’élimination des DASRI et de discrimination tarifaire. (2)

 

 1. Définition du marché pertinent des DASRI

 

L’autorité circonscrit le marché́ de l’élimination des DASRI et englobe deux principaux procédés que sont l’incinération et l’inertage (ou banalisation) et écarte du périmètre de ce marché celui de la collecte. L’Autorité, conformément à un un avis, considère que la collecte consistant à enlever les déchets chez les producteurs et à les transporter jusqu’à un centre de traitement, relève de « métiers différents, et sont généralement assurés par des sociétés différentes »[1].

 

Par ailleurs, la définition géographique régionale du marché du traitement des DASRI est de celle qui s’infère très clairement des dispositions du code de la santé publique qui prévoient que, les hôpitaux corses, les établissements publics de santé, s’ils sont, à ce titre tenus par les dispositions du PREDIS qui, conformément au principe de proximité́, prévoient que les DASRI produits en Corse doivent être traités en Corse. (article L. 6141-1 du CSP).

 

L’Autorité relève en ce sens que : « l’envoi des DASRI vers le continent comporterait un risque de non-respect des délais de traitement des déchets imposés par le code de la santé publique, compte tenu notamment des fortes contraintes logistiques ».

 

Le marché pertinent de l’élimination des DSRI sur le territoire Corse, est donc circonscrit à la Corse.

 

2. Griefs caractérisant l’abus de position dominante de la société

 

Très succinctement, on rappellera que les dispositions normatives en droit national et européen de l’abus de position dominante sont clairement établies.

 

Ainsi, l’article L. 420-2 du code de commerce énumère de façon non exhaustive les pratiques prohibées, car constitutives d’abus : « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ».

 

L’article 102 TFUE prévoit ainsi que parmi les pratiques abusives le fait de : « a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ». A ces dispositions s’ajoutent un corpus jurisprudentiel dense de la CJUE, d’ailleurs rappelé dans la motivation de la décision [2]

 

En l’espèce, l’Autorité relève que la société SANICORSE a développé une stratégie commerciale visant à ne pas répondre aux appels d’offres lancés par les établissements de santé à l’échéance des contrats, et ce sans préavis, pour mieux contracter des conventions de gré́ à gré qui, en réalité, s’analysent en une négociation unilatérale.

 

A l’occasion de ces pratiques, l’Autorité relève que la société a procédé à des augmentations tarifaires annuelles de plus de 60 %[3], nécessairement considérées comme significatives.

 

En outre, l’Autorité caractérise l’abus par la politique de l’entreprise face à l’émergence d’une plausible concurrence, par le développement de structures parallèles et de se passer des services de SANICORSE, décide d’augmenter ses prix afin, aux dires du dirigeant, d’amortir plus rapidement ses investissements.

 

3. imputabilité des sanctions

 

L’Autorité rappelle que l’imputabilité d’une pratique anticoncurrentielle et la sanction peuvent au sein d’un groupe de sociétés être imputés à la société́ fille notamment, lorsque bien qu’ayant une personnalité́ juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société́ mère.

 

En ce sens, l’Autorité relève que la société́ SAS Groupe CESARINI, en tant que société́ mère de SANICORSE exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale.

 

L’Autorité retient donc la responsabilité́ conjointe des sociétés SANICORSE et société́ SAS Groupe CESARINI, en tant qu’auteures des pratiques répréhensibles, solidairement responsables du paiement de la sanction pécuniaire fixée à hauteur de 199.029 €.

 

Harald MIQUET

Vivaldi Avocats



1 Voir en ce sens : avis n° 10-A-21 du 19 novembre 2010 relatif à la gestion des DASRI perforants produits par les patients en auto-traitement  

[2] En ce sens v. §121. À §132 de la décision commentée

[3] Par exemple l’instruction de l’Autorité a démontré́ que les tarifs pratiqués à l’égard des établissements de santé pour le traitement des DASRI sont passés d’une moyenne de 1,10 € HT/ kg en 2010 à une moyenne de 2,07 € HT/ kg en 2012, soit une augmentation d’environ 88 %.

 

 

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