A qui incombe la charge de la preuve en cas de saisie immobilière abusive ?

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

  

SOURCE : Cass , 2e civ., 15 mai 2014. n°13-16.016. Arrêt n° 816 P +B

 

La Cour de Cassation rappelle le principe posé par l’article L.111-7 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui dispose : «Le créancier a la choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation ».

 

Il s’induit de l’article précité, que si le créancier a le choix des mesures d’exécution, il doit nonobstant exécuter cette mesure, qui ne saurait excéder ce qui est nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation compte tenu du montant de la créance.

 

Il appartient au juge saisi de la demande de caractériser l’abus commis par le créancier dans l’exercice de la saisie.

 

En l’espèce, une banque se prévalant d’une créance en principal, intérêts et frais de 4 416 €, résultant d’un acte notarié, a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Le débiteur saisi, invoquant le principe de proportionnalité des mesures d’exécution, a saisi le Juge de l’Exécution d’une demande de mainlevée et de radiation du commandement.

 

Le Juge de l’Exécution le déboute de ses demandes et le débiteur interjette appel de la décision.

 

Pour infirmer le jugement et ordonner la mainlevée du commandement valant saisie, la Cour d’Appel retient que le débiteur saisi a réglé postérieurement à la déchéance du terme[1] la somme de 2.460 €, excluant sa mauvaise foi, et que seul restant du au jour du commandement, en capital, intérêts et indemnité de résiliation, la somme de 4.416 €, la saisie pratiquée sur un bien dont la valeur estimée par le débiteur, sans que le créancier ne le conteste, à plus de 50.000 €, constitue une mesure d’exécution manifestement abusive.

 

En effet, selon la Cour il existe une disproportion manifeste entre les causes de la saisie et l’assiette de cette mesure, dés lors que le commandement de saisie excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

 

La Cour d’Appel de relever que de surcroit, la banque ne justifie pas avoir tenté la mise en œuvre de voies d’exécution ne portant pas atteinte à la propriété immobilière, telle qu’une saisie-attribution sur le compte bancaire, ou encore une saisie des loyers commerciaux que percevait le débiteur à la suite de la location du bien saisi.

 

Sur le pourvoi formé par la banque, la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel.

 

La Haute Cour souligne en effet, que si le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution de sa créance, il appartient au débiteur qui en poursuit la mainlevée d’établir qu’elles excèdent ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

 

En statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a renversé la charge de la preuve et de facto a contrevenu aux dispositions de l’article 1315 du Code Civil qui énonce que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation.

 

Ce d’autant que la Cour de Cassation relève qu’en cause d’appel, bien que la banque ait fait valoir qu’il n’existait pas d’autres mesure d’exécution susceptible d’etre utilement mise en œuvre pour parvenir au recouvrement de sa créance, car d’une part, le compte du débiteur n’avait jamais dépassé un avoir de 265,00 € et d’autre part, la banque ignorait l’existence d’un bail commercial, la Cour d’Appel n’a jamais répondu à ce moyen.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Exigibilité immédiate de l’intégralité des sommes dues

 

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