L’administrateur, la banque, et la double signature

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

Source : Cass. Com. 4 juin 2013, n°12-17.203, n°574.P+B

 

La relation avec sa banque à l’ouverture de la procédure collective est très souvent une étape compliquée pour la société débitrice.

 

Le débiteur, qu’il soit en redressement ou en sauvegarde, a besoin de reconstituer rapidement sa trésorerie et ses fournisseurs lui réclament désormais le paiement comptant de leur prestation. En outre, si un administrateur judiciaire, avec mission d’assistance, a été désigné, les paiements doivent désormais s’effectuer sous sa double signature, ce qui allonge le processus de paiement parfois de plusieurs jours.

 

A l’inverse, du point de vue de la banque, les difficultés pratiques entrainent, de fait, des délais : l’ancien compte doit être gelé, pour figer définitivement la créance de la banque, et empêcher les prélèvements automatiques des autres créanciers, dont les créances sont également gelées. Corrélativement il faut ouvrir un nouveau compte de procédure collective, et transmettre à la société débitrice les nouveaux moyens de paiement (les chéquiers, tout particulièrement). Enfin, le plus souvent, le dossier est transmis au service contentieux, et la gestion de la transmission peut prendre là encore plusieurs jours.

 

En synthèse, le débiteur a besoin de réactivité, et la banque a des contraintes de temps, ce qui entraîne des frictions entre les différentes parties.

 

Le cas d’espèce portait sur l’argumentation soutenue par une banque, de la difficulté pratique de faire fonctionner le compte d’une société en procédure collective sous la double signature de l’administrateur judiciaire.

 

L’administrateur avait exigé la poursuite du contrat de compte courant, et devant l’opposition de la banque, avait obtenu du Juge Commissaire une décision d’injonction à l’encontre de l’établissement bancaire.

 

C’est cette décision qui a été frappée d’appel puis de pourvoi en Cassation. Sans grande surprise, la Cour de Cassation rejette le pourvoi, obligeant de facto la banque à se plier au mécanisme de la double signature.

 

L’étude des arguments de la banque est cependant intéressante.

 

Elle soutenait en premier lieu que le mécanisme de la double signature était une création de la pratique, alors que le texte ne prévoyait que l’obligation, pour le débiteur, de soumettre le paiement envisagé à l’accord de l’administrateur judiciaire. Le texte ne prévoyant pas expressément le mécanisme de la double signature, celui-ci ne pouvait être imposé à la banque.

 

Dans un deuxième temps, l’établissement bancaire soutenait que la poursuite du contrat en cours, sollicitée par l’administrateur judiciaire, obligeait certes le contactant à maintenir sa prestation, mais uniquement dans les termes du contrat initial. L’utilisation des chèques sous double signature, non prévue par la convention de compte courant initial, était donc une modification de la convention initiale à laquelle n’était pas tenue de se plier la banque.

 

En troisième lieu, la banque faisait valoir les difficultés pratiques à fonctionner sous double signature, de sorte que, là encore, la complexification de la convention initiale autorisait l’établissement bancaire à refuser le fonctionnement tel que demandé par l’administrateur.

 

La Cour de Cassation balaie assez sèchement les arguments.

 

Le refus de la banque de maintenir sa prestation, à raison de la demande de fonctionnement sous double signature reviendrait, selon la Cour de Cassation, à résilier le contrat en cours du seul fait de l’ouverture de la procédure collective, ce qui est bien sûr interdit.

 

Allant plus loin, la Cour retient que le refus de la banque de fonctionner selon les demandes de l’administrateur, à raison des difficultés pratiques de fonctionnement, ne constituait que des prétextes « dissimulant la volonté de la banque de cesser tout concours avec une entreprise placée en redressement judiciaire ».

 

Très clairement, la Cour de Cassation, par cet arrêt tente de mettre définitivement fin à toutes protestations que pourraient soulever les établissements bancaires dans leurs relations avec les débiteurs placés en procédure collective.

 

La réussite d’une procédure collective passe en tout premier lieu par le maintien des concours bancaires quel que soit les difficultés organisationnelles subies par les établissements bancaires du fait du mécanisme de la double signature de l’administrateur judiciaire.

 

 

Etienne CHARBONNEL

VIVALDI Avocats

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