SOURCE : Arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 24 janvier 2018 n°16-14.419 F-D
Un salarié avait été recruté le 1er juillet 1981 par une association exploitant un centre équestre afin d’y exercer les fonctions de Directeur.
A la suite de la constatation d’irrégularités comptables, l’association va notifier au salarié son licenciement pour faute lourde, celle-ci ayant été précédée d’une mise à pied conservatoire notifiée le 18 octobre 2008 en même temps que sa convocation à l’entretien préalable.
L’employeur avait constaté qu’ayant eu connaissance de sa mise à pied conservatoire, le salarié avait immédiatement émettre des chèques à son profit pour un montant de 29 000 euros déposés le jour même sur son compte bancaire.
Par ailleurs, le salarié refusant de quitter les lieux, l’employeur avait dû le faire sommer par un huissier de justice, lequel avait établi un constat établissant le refus du salarié de remettre les clefs de son bureau, de quitter les lieux et de remettre les documents intéressant le fonctionnement de l’association.
Parallèlement, suite à une plainte déposée par son employeur, une information judiciaire sera ouverte concernant le salarié visant des chefs de faux, escroquerie et abus de confiance, information ayant abouti courant novembre 2014 à la condamnation du salarié à dix mois d’emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de LILLE.
Contestant son licenciement, le salarié va saisir le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Partiellement débouté par le Conseil des Prud’hommes de LILLE qui va juger le licenciement pour faute lourde valable, le salarié interjette appel de cette décision qui arrive par devant la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de DOUAI.
La Cour d’Appel de DOUAI, dans un arrêt du 29 janvier 2016, va considérer que le salarié a manqué à son obligation de loyauté en déposant des chèques de son employeur sur son compte alors que celui-ci lui avait notifié sa mise à pied conservatoire.
Elle en déduit que l’intention de s’approprier les actifs de l’employeur est établie et avait pour but de nuire aux intérêts de celui-ci.
Par ailleurs, la Cour constate également qu’étant établi le refus du salarié de remettre les clefs de son bureau et de quitter les lieux, dûment constaté par un huissier de justice, ces faits constituent un acte destiné à nuire aux intérêts de l’employeur.
En conséquence, la Cour d’Appel de DOUAI confirme le jugement en ce qu’il a retenu la faute lourde.
En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale, énonçant que ne caractérise pas l’intention de nuire à l’employeur la Cour d’Appel qui retient :
– que l’intéressé a manqué à son obligation de loyauté en déposant des chèques de son employeur sur son compte bancaire après notification par celui-ci de sa mise à pied conservatoire,
– que l’intention de s’approprier des actifs de l’employeur est établie et avait pour but de nuire aux intérêts de celui-ci
– et qu’est également établi le refus du salarié de remettre les clefs de son bureau et de quitter les lieux ce qui constitue un acte destiné à nuire aux intérêts de l’employeur.
La Haute Cour considère que ces motifs sont impropres à caractériser l’intention de nuire à l’employeur et, en conséquence, casse et annule l’arrêt d’appel seulement en ce qu’il a justifié le licenciement par une faute lourde.
Cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de l’évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation à l’égard de la faute lourde, dont elle estime que l’intention de nuire à l’employeur doit s’apprécier en dehors de la gravité des faits invoqués à l’appui du licenciement.
Christine Martin
Associée
Vivaldi-Avocats