Absence d’abus de position dominante pour la société VENTE-PRIVÉE.COM.

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :  Cour de cassation, Chambre Commerciale, 6 décembre 2017 : affaire BRANDALLEY c/ VENTE-PRIVÉE.COM.

 

Après avoir tenté d’annuler, sans succès, la marque « VENTE-PRIVÉE.COM » pour défaut de caractère distinctif, les concurrents de la société VENTE-PRIVÉE.COM, considérée comme le créateur et le leader des ventes en ligne d’articles déstockés, ont tenté d’attaquer cette dernière sous un autre versant : le prétendu abus de position dominante qu’elle occuperait sur le marché de la vente évènementielle en ligne.

 

Pour ce faire, les sociétés concurrentes BRANDALLEY et SHOWROOMPRIVE.COM ont saisi l’Autorité de la Concurrence sur le fondement des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-2 du Code de Commerce.

 

L’analyse de l’existence ou non d’un abus de position dominante est systématiquement précédée de la délimitation du marché pertinent considéré, première étape dans l’appréciation des effets anticoncurrentiels d’une pratique mise en œuvre sur un marché. En effet, les lignes directrices de l’Autorité de la Concurrence relatives au contrôle des concentrations du 16 décembre 2009 prévoient que « la définition des marchés pertinents constitue une étape essentielle du contrôle des concentrations, dans la mesure où elle permet d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises et d’apprécier, dans un deuxième temps, leur pouvoir de marché » (paragraphe 301).

 

En l’espèce, l’Autorité de la Concurrence, tout comme la Cour de cassation, saisie par les sociétés BRANDALLEY et SHOWROOMPRIVE.COM d’un recours contre la décision de l’Autorité, se sont interrogées sur l’existence effective ou non d’un marché de la vente évènementielle en ligne, tel que défini dans la notification des griefs, pour la période comprise entre 2005 et 2011.

 

L’arrêt de la Cour de cassation en date du 6 décembre 2017 reprend les termes de la décision de l’Autorité de la Concurrence, laquelle avait préalablement observé que le secteur du déstockage de produits invendus avait connu une très forte évolution, marquée par l’essor des sites e-commerce proposant une offre de déstockage, puisque plus d’une centaine de sociétés proposant des ventes évènementielles sur Internet avaient été créées entre 2005 et 2011, mais également que d’importantes évolutions technologiques étaient intervenues sur le secteur et avaient affecté le comportement d’achat des consommateurs, de sorte qu’au vu de l’ensemble de ces changements, il n’était plus possible, à la date de la décision de l’Autorité, de faire une analyse de la substituabilité des produits pour la période visée par le grief, pourtant indispensable à la détermination du marché pertinent.

 

Aussi, l’Autorité, tout comme la Cour de cassation, observe que plusieurs des éléments de différenciation du marché de la vente évènementielle en ligne et des autres canaux de distribution d’invendus, tel que le niveau attractif des prix, la confidentialité de la vente, le positionnement haut de gamme, l’importance du stock, n’étaient pas spécifiques à la vente évènementielle en ligne, puisqu’ils se retrouvaient aussi dans les autres canaux de distribution d’invendus, tandis que d’autres, tels que la logique d’achat d’impulsion, devaient être relativisés. Il s’en déduit que ces éléments de segmentation ne suffisent pas à identifier un marché pertinent.

 

De même, la Haute juridiction considère que le fait que les ventes évènementielles en ligne et leur fournisseur ne supportent pas les contraintes logistiques de la vente physique est sans incidence, puisqu’un tel constat peut être fait pour tous les canaux de vente en ligne, lesquels supportent par ailleurs la charge d’importants investissements spécifiques, notamment informatiques.

 

La Cour de cassation considère donc qu’il n’existe pas de marché de la vente évènementielle en ligne permettant de poursuivre une instruction quant à l’existence d’un abus de position dominante de la part de la société VENTE-PRIVÉE.COM.

 

Cet arrêt témoigne de la difficulté pour l’Autorité de la Concurrence de délimiter les marchés pertinents au regard de l’évolution très rapide des nouvelles technologies et de leur impact sur l’économie. En effet, le Conseil de la concurrence, dans son étude thématique du rapport annuel 2001 consacré aux marchés pertinents notait déjà que « les évolutions économiques récentes militent également en faveur d’une relativisation du rôle joué dans la notion de marché pertinent. Les nouvelles technologies estompent les frontières auparavant tracées entre certains marchés (…). Par ailleurs, les évolutions constatées sont de plus en plus rapides et nécessitent un suivi du contour des marchés au même rythme ».

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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