L’absence de rétrocession au bénéfice du propriétaire ayant exercé son droit de délaissement

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE : Cons. const., 21 juin 2013, n° 2013-325 QPC

 

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme prévoyant l’introduction d’une Question prioritaire de constitutionnalité, les saisines du Conseil constitutionnel n’ont pas manqué de se multiplier. Même si le contrôle institué comporte un certain nombre de limites techniques, les cabinets d’avocats ont su tirer profit de cette nouvelle voie de droit. En caricaturant, le dépôt d’une « QPC » est devenu une forme de passage obligé, de « rite d’initiation », pour tout avocat.

 

Mais, même lorsque la question est effectivement transmise par la Cour de cassation ou le Conseil d’état, il existe assez peu de décisions déclarant des dispositions législatives inconstitutionnelles. En d’autres termes, si les saisines se sont multipliées, les censures demeurent assez rares.

 

La jurisprudence du Conseil constitutionnelle relative aux atteintes au droit de propriété illustre ce phénomène. L’article  17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de valeur constitutionnelle, dispose que  « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

 

En l’espèce, le Conseil constitutionnel était saisi de la question de savoir si l’ancien article L. 123-9 du code de l’urbanisme , qui prévoit que le propriétaire d’un terrain, bâti ou non, situé sur un emplacement réservé par un plan d’occupation des sols (POS) pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d’intérêt général ou un espace vert, pouvait exiger de la collectivité qu’elle procède à l’acquisition du terrain dans un délai de deux ans, était contraire à la Constitution.

 

Plus précisément, le requérant faisait grief à cette  disposition de ne pas prévoir un droit de rétrocession analogue à celui prévu par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans l’hypothèse où le projet pour lequel l’emplacement a été réservé n’a pas été réalisé, et donc de porter atteinte au droit de propriété.

 

Le Conseil constitutionnel a considéré, aux termes d’une décision en date du21 juin 2013 (Cons. const., 21 juin 2013, n° 2013-325-QPC), que l’exercice du droit prévu par l’ancien article L. 123-9 du code de l’urbanisme « constitue une réquisition d’achat à l’initiative des propriétaires de ces terrains [et] que, par suite, le transfert de propriété résultant de l’exercice de ce droit n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ».

 

Cette décision s’inscrit dans une tendance à interpréter de façon stricte les termes de l’article 17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen. Ainsi, le Conseil avait pu décider que cet article assure la protection du droit de propriété en cas de privation et qu’il n’est pas pertinent s’agissant des limites apportées à son droit d’exercice qui relève de protection de l’article. 2 (Cons. const. 10 juin 2010: n° 2010-607 DC § 9).

 

La question visait également l’article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen qui range le droit de propriété parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Toutefois, et de façon plus elliptique, le Conseil n’a pas plus considéré qu’une atteinte à l’article 2 était caractérisée.

 

Il convient de préciser que, depuis la Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000, est prévu , par les articles L. 230-1 et suivants du code de l’urbanisme, un mécanisme similaire pour les emplacements réservés par les plans locaux d’urbanisme (PLU) à celui l’ancien  article L. 123-17, objet de la présente « QPC ». La décision du 21 juin 2013 a naturellement vocation à s’appliquer à ce dispositif de remplacement.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

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