SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 22 novembre 2017, n° 16-12.524 (FS-P+B).
Un salarié avait été engagé le 1er avril 2003 par une société internationale et exerçait en dernier lieu un emploi de coordinateur des ventes nationales, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Constatant un détournement de plus d’un million d’euros, l’employeur va faire suspendre les cartes bancaires et d’essence de certains salariés en début d’année 2009.
Va s’ensuivre un litige entre l’employeur et le salarié, ce dernier prétendant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal en date du 22 janvier 2009 considérant que le dirigeant britannique lui avait demandé de quitter la société.
C’est dans ce contexte que l’Avocat du salarié va adresser à l’entreprise, le 29 janvier 2009, un courrier prenant acte de la rupture du contrat de travail de son client.
C’est ainsi que le Conseil des Prud’hommes de PARIS était saisi d’une demande principale de voir le licenciement irrégulier, car verbal, et subsidiairement, compte tenu de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, pour voir dire que les agissements fautifs et répétés de l’employeur justifiait la rupture du contrat à ses torts et s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, à titre infiniment subsidiaire, voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, au final, pour obtenir la condamnation de cet employeur à payer diverses sommes au titre de créances salariales et indemnitaires.
Débouté par les Premiers Juges, qui vont considérer que la prise d’acte de la rupture du 29 janvier 2009 produit les effets d’une démission, le salarié, en cause d’appel, va prétendre que la prise d’acte de la rupture adressée par courrier recommandé avec accusé de réception à l’employeur le 29 janvier 2009 n’était pas valable et sans effet à son égard, prétendant qu’il n’avait pas mandaté son Avocat pour adresser une prise d’acte de la rupture à son employeur.
Toutefois, la Cour d’Appel de PARIS (pôle 6 – Chambre 6), dans un Arrêt du 16 décembre 2015, va relever que la prise d’acte de la rupture n’est soumise à aucun formalisme particulier et qu’il suffit qu’elle soit transmise directement à l’employeur, le cas échéant, par l’intermédiaire d’un Avocat, et souligner que si, en principe, le mandant n’est pas tenu de ce qui a pu être fait au-delà du pouvoir donné au mandataire, il en est autrement lorsqu’il résulte des circonstances que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de celui-ci. Le mandant peut alors être engagé sur le fondement d’un mandat apparent si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, la légitimité de cette croyance supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire.
La Cour d’Appel relève qu’au cas d’espèce, l’auteur de la lettre est Avocat, qu’il s’est présenté comme étant celui du salarié et qu’il s’est exprimé au nom de ce dernier. Elle relève également que le contenu du courrier démontre qu’il avait une connaissance approfondie de la situation du salarié, des déplacements de celui-ci, d’un accident de travail récent dont il avait été victime, ainsi que des données du litige.
La déclaration de la prise d’acte de la rupture était, en outre, en cohérence avec les griefs exprimés dans la lettre, de sorte que l’employeur pouvait légitimement croire que le mandataire Avocat agissait en vertu d’un mandat donné par le salarié et dans les limites de celui-ci, les circonstances l’autorisant à ne pas vérifier l’existence et les limites exactes du pouvoir de l’Avocat.
La Cour considère, au final, que le mandat apparent avait pour effet d’obliger le mandant envers les tiers et elle en conclut que le courrier du 29 janvier 2009 constitue une véritable prise d’acte de la rupture du contrat de travail du salarié.
En conclusion, la Cour d’Appel va confirmer la décision des Premiers Juges en ce qu’elle a dit que la prise d’acte de la rupture du 29 janvier 2009 produit les effets d’une démission.
A la suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’appel d’avoir validé la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail sur le fondement d’un mandat apparent de son Avocat, prétendant que l’existence d’un mandat apparent de l’Avocat ne pouvait résulter de sa seule qualité d’Avocat, et que si le contenu du courrier démontrait qu’il avait une connaissance approfondie de la situation du salarié, cette circonstance était insuffisante pour caractériser la légitimité de la croyance de l’employeur.
Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.
Relevant que l’auteur de la lettre du 29 janvier 2009 était Avocat, qu’il s’était présenté comme étant celui du salarié et s’était exprimé au nom de ce dernier, que le contenu de la lettre démontrait que son auteur avait une connaissance approfondie de la situation du salarié, de ses déplacements, d’un accident de travail récent dont il avait été victime, ainsi que des données du litige l’opposant à l’employeur, la Cour d’Appel a caractérisé des circonstances autorisant l’employeur à ne pas vérifier si l’Avocat justifiait d’un mandat spécial pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour le compte de son client et a pu retenir que le salarié avait été valablement engagé par son Avocat sur le fondement d’un mandat apparent et a ainsi légalement justifié sa décision.
Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats