Source : Cass. Com, 28 juin 2017, pourvoi n°16-12.382, FS-P+B+I
Nous l’avons souligné à de nombreuses reprises dans nos colonnes : la déclaration de sa créance constitue, pour le créancier, un parcours d’obstacle.
L’un d’entre eux, et pas le moindre, réside dans le délai court qui lui est imposé pour répondre à la contestation émise par le mandataire judiciaire de son débiteur : 30 jours à compter de la réception de la lettre recommandée.
C’est la lettre de l’article L622-27 du Code de Commerce, qui mérite d’être cité in extenso :
« S’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1 [celles résultant d’un contrat de travail], le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration des créances ».
Ce texte est complété par l’article L624-3 du même Code qui précise :
« […] Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n’a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l’article L 622-27 ne peut pas exercer de voie de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire.
Ainsi :
– Si le créancier ne répond pas dans le délai de 30 jours ;
– ET si le juge commissaire rend une décision conforme à la demande d’admission (ou de rejet) du mandataire judiciaire ;
– Alors le créancier est irrecevable à faire appel de la décision ;
L’article L622-27 du Code de Commerce comporte toutefois une exception : l’appel est recevable si la contestation du mandataire portait sur la régularité (formelle) de la déclaration de créance.
Cette exception est un ajout récent, de l’ordonnance de 2014, qui a un objectif bien compris : épuiser le contentieux du « défaut de pouvoir ». En effet, il est (était ?) courant, pour les débiteurs en procédure collective, de contester « en masse » les créances déclarées, pour un motif purement formel : l’absence de pouvoir du signataire de la déclaration de créance (en pratique, par exemple, en l’absence de délégation de pouvoir, ou de signature de la déclaration de créance, ou de justification de la qualité de mandataire social, etc.). Et il suffisait d’une absence de réponse à cette contestation de pure forme pour obtenir un rejet de la créance, pourtant non contestée sur le fond.
En permettant au créancier n’ayant pas répondu, d’exercer un recours lorsque la contestation portait sur la forme, ce type de contestation perd de son « intérêt » pratique, l’erreur du créancier étant bien plus compliquée à obtenir de manière définitive.
L’arrêt ici commenté porte sur cette exception, et la question traitée pourrait être formalisée comme suit : faut-il lire que la contestation ne porte que sur la forme pour que la voie de recours soit ouverte au créancier défaillant ?
La Cour de Cassation répond ici par la négative. Elle vient préciser qu’une disposition légale ayant pour effet de priver une partie d’une voie de recours doit nécessairement s’interpréter strictement. Or, le Code de Commerce n’exige pas que la contestation porte exclusivement sur une difficulté formelle.
Dit autrement, lorsque la contestation du mandataire comporte des arguments de forme et des arguments de fond, et lorsque le créancier ne répond pas dans le délai de 30 jours, il peut néanmoins former un appel à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire, et répondre à la fois aux arguments de forme mais également de fond.
Ou quand le créancier défaillant rentre par la fenêtre alors que le débiteur pensait la porte fermée.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats