Loi Macron, baux commerciaux et formalisme de transmission d’actes : la Loi Pinel déjà réformée.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « MACRON », JORF n°0181 du 7 août 2015 page 13537, article 207 (article 56 du projet de loi)

 

La Loi n° 2014-626 dite « Pinel » du 18 juin 2014, par son article 20, avait rendu possible la notification du congé par lettre RAR[1], ce qui n’était pas le cas auparavant, la jurisprudence sanctionnant ces congés par la nullité[2].

 

La modification du seul article L145-9 du Code de commerce avait ainsi deux incidences :

 

– les congés pouvaient être délivrés par acte d’huissier ou LRAR, au choix de son auteur ;

 

– les demandes de renouvellement demeuraient impérativement délivrées par acte extrajudiciaire.

 

La lettre recommandée disposant d’une date d’émission et de réception, la date de délivrance du congé, à partir de laquelle est calculé le délai de 6 mois, était précisée par le Conseil d’Etat, via un nouvel article R145-1-1 du même code : « la date du congé est celle de la première présentation de la lettre ».

 

Regrettant l’absence d’extension de cette faculté « allégée » au profit du preneur désirant obtenir le renouvellement de son bail, le projet de loi du 11 décembre 2014 dite « Macron » du nom du Ministre porteur du projet, avait supprimé totalement dans son article 56, l’obligation de recourir à un acte extrajudiciaire dans les relations entre bailleurs et locataires.

 

Il s’agissait pour les rédacteurs du Projet qui considéraient que le recours à un huissier n’avait vocation qu’à « donner date certaine à l’acte transmis », objectif pouvant être rempli par la notification, « de poursuivre cette logique de simplification et de diminution des coûts ». En effet, la demande de renouvellement d’un bail commercial par acte extrajudiciaire coûte 80 euros conformément au décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale alors qu’une lettre recommandée avec avis de réception coûte au minimum 4,55 euros[3].

 

Sur proposition des rapporteurs thématiques du projet, la commission spéciale avait cependant maintenu la signification des actes graves du bailleur :

 

– refus de renouvellement en réponse à une demande en renouvellement du preneur ;

– congé pour construire, reconstruire, surélever l’immeuble, de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain ;

– congé offre de renouvellement, (qui ne s’apparente toutefois pas à un acte d’une particulière gravité…)

 

Hormis ces situations, les parties disposeront donc de deux options, acte d’huissier ou LRAR, pour se communiquer les décisions qu’elles prennent :

 

pour le preneur :

 

– Demander le renouvellement (art L145-10);

 

– délivrer un congé triennal ou demander la résiliation du bail pour bénéficier de ses droits à la retraite (art L145-4)  ;

 

– répondre à une offre de local de remplacement (art L145-18) ;

 

– exercer son droit de priorité en cas de reconstruction (art. L145-19) ;

 

– informer de la déspécialisation partielle ou demander la despécialisation totale (art L145-47 et 49) ;

 

– renoncer à une déspécialisation (art. L. 145-55)

 

pour le bailleur :

 

– exercer son droit de repentir (art L145-12) ;

 

– répondre à une demande de déspécialisation (art L145-49) ;

 

La loi MACRON a été promulguée le 6 août 2015 et publié au JO le lendemain. 

 

En conséquence, depuis le 8 août 2015, les congés du bailleur doivent être signifiés tandis que ceux du preneur, et les demandes de renouvellement, pourront être notifiés. Cependant, compte-tenu des risques liés aux congés et aux demandes de renouvellement, pouvant entrainer une poursuite du bail pour trois ans ou le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, il sera conseillé au preneur d’opter pour l’acte extrajudiciaire, quels que soient les surcoûts qu’il entraine.

 

Cette réforme supposera également une modification de l’article R145-1-1 du Code de commerce pour l’adapter aux demandes de renouvellement délivrées par LRAR, et déterminer leur date d’effet, qui sera sans doute celle de « la première présentation de la lettre ».

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cf notre article du 26 juin 2014

[2] Cf par exemple : Assemblée plénière, 17 mai 2002, 00-11.664, Publié au bulletin ; 3ème civ, 20 décembre 1982, n° 81-13.495; 3ème civ, 18 mai 1994, n° 92-17.028 ; 3ème civ, 15 septembre 2010, 09-15.192

[3]Rapport du projet de loi du 19 janvier 2015

 

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