Ont été publiées, tant la partie législative (l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015) que la partie règlementaire (le décret n° 2015-1342 du 23 octobre 2015 relatif aux dispositions réglementaires régiront désormais).
Ces dispositions qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2016 appellent un certain nombre d’observations.
La première observation a trait au champ d’application de ce nouveau Code, conçu largement ; puisqu’il a vocation à régir l’ensemble des relations entre l’administration et les citoyens. La première regroupe, a minima, les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif. Tandis que les seconds correspondent à toute personne physique, y compris tout agent d’une administration et toute personne morale de droit privé.
La seconde observation a trait à la philosophie du texte. Ce nouveau code est véritablement conçu comme un rassemblement synthétique des grands principes applicables aux relations entre le public et l’administration. S’il n’est pas un Code créé de toute pièce (comme le Code civil), mais, pour l’essentiel une compilation (comme le Code de la consommation), il aspire à constituer un ensemble cohérent et intelligible, pour faire en sort que maxime « Nul n’est censé ignorer la loi » (nemo censetur ignorare legem en latin) ne soit pas seulement une pure fiction juridique destinée à faire se tenir debout l’idée d’état de droit (dès lors que personne ne peut invoquer l’ignorance qu’il a de la loi pour échapper à son application).
Pour y parvenir, les rédacteurs du texte ont su concilier l’héritage de la tradition et les ajouts de la modernité. Au titre de la tradition (si l’on peut dire, à l’échelle, finalement récente, de ce souci d’améliorer les relations entre le public et l’administration, on pourra observer que les grandes principes aux droits des administrés sont rassemblées. Il en est ainsi, à titre d’exemple, du droit à communication des documents administratifs (L. n° 78-753, 17 juill. 1978 ), des exigences relatives à la motivation des décisions individuelles (L. n° 79-587, 11 juill. 1979). Au titre de la modernité – ce qui permet de remarquer que les « grands textes » ne sont pas nécessairement les plus anciens – le code intègre également la loi du 12 novembre 2013 sur le silence valant acceptation (L. n° 2013-1005, 12 nov. 2013), le droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique (Ord. n° 2014-1330, 6 nov. 2014) ainsi que le principe « dites-le-nous une fois » , suivant lequel les citoyens ne sont tenus de communiquer les informations qu’une seule fois, à charge pour les différentes administrations de diffuser entre elles les éléments communiqués (Ord. n° 2015-507, 7 mai 2015 : JCP A 2015, act. 437).
En revanche, le Code ne comporte pas de règles spécifiques : tous les grands principes, mais seulement les grands principes.
Pour parvenir à cette Lex generalis des relations entre le public et l’administration, le Code fait également application d’une méthode originale. Il sacrifie à la répartition classique, dans les Codes du XXe siècle, entre les règles suivant qu’elles ont une origine législative ou règlementaire. Où l’on comprend que le Droit commun ne se niche pas nécessairement dans la loi, mais qu’il peut également être d’origine règlementaire et, même, sourdre de la Jurisprudence[1].
La méthode ici retenue est originale. Le plan retenu est strictement chronologique. Les règles se suivent dans le Code dans l’ordre temporel des relations entre le Public et l’administration, peu important l’origine formelle. Se succèdent ainsi, indifféremment, des règles législatives et règlementaires.
Le plan du Code est le suivant :
– Échanges du public et de l’administration (livre Ier) :
– demandes du public (titre Ier),
– débat contradictoire préalable (titre II),
– outils permettant au public d’être associé aux décisions prises par l’administration (titre III).
– Actes unilatéraux pris par l’administration (livre II) :
– règles de motivation (titre Ier),
– règles de publicité et d’entrée en vigueur des textes avec, s’agissant des collectivités territoriales, un renvoi aux dispositions correspondantes du CGCT (titre II).
– règles spécifiquement applicables aux décisions implicites regroupées dans un titre unique (titre III),
– règles de retrait et d’abrogation des actes administratifs (titre IV).
– Accès aux documents administratifs (livre III).
– Règlement des différends avec l’administration (livre IV) :
– principales règles jurisprudentielles régissant les recours administratifs (titre Ier),
– modes de règlements alternatifs des litiges : la médiation, la conciliation, l’arbitrage ou la transaction (titre II),
– voies de recours contentieuses (titre III).
– Dispositions relatives à l’outre-mer (livre V).
La dernière observation qui mérite d’être effectuée est que ce nouveau Code témoigne indiscutablement de ce que la question des rapports entre l’administration et le public est au cœur des préoccupations.
Effet de mode ou évolution véritable ? Seul le temps le dira.
Il demeure que si l’Etat, par ce nouveau dispositif, fournit aux citoyens un instrument précieux de connaissance de droit (Choc de simplification), une évolution des rapports entre le public et l’administration peut également, cette fois-ci sur le fond, être observée à partir de la notion de responsabilisation des premiers à l’égard de la seconde. Il n’est que de lire la riche et récente étude que Madame le Professeur KOUBI a consacré à ce sujet, où elle distingue entre une construction consumériste et une conception administrative de la responsabilisation des usagers[2].
Il est vrai que la responsabilité suppose la liberté[3]. Et la liberté des administrés dans ses rapports avec l’administration suppose elle-même que ces derniers disposent d’une connaissance préalable des règles applicables. Faut-il comprendre que l’Etat informe ses citoyens pour mieux les responsabiliser ?
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats
[1] Cf. à ce sujet : N. DELEGOVE, Droit commun et droit spécial, Thèse Paris II, 2011, n° 62 : « Il peut sembler fiable de recourir au critère de la source dont émane la règle pour la rattacher au droit commun ou au droit spécial. Les règles seraient a priori de plus en plus spéciales à mesure que l’on s’éloigne du sommet de la pyramide des normes. Ce critère, s’il s’avérait pertinent, présenterait en outre l’avantage de simplifier considérablement la question des rapports entre droit commun et droit spécial. Elle se trouverait alors confondue avec celle des rapports entres règles émanant de sources différentes, dans la mesure où, compte tenu de sa supériorité, le principe hiérarchique serait alors l’unique principe de solutions en la matière »
[2] (G. KOUBI, « Quelle « responsabilisation » des usagers du service public ? », JCP Administrations et Collectivités territoriales n° 43, 26 Octobre 2015, 2309 : « La notion de responsabilisation ne se comprend pas exclusivement dans un cadre financier. Elle atteint les fondations des relations sociales et joue un rôle dans la recomposition des rapports que les usagers entretiennent avec le service public. Les discours relatifs à la responsabilisation des usagers du service public correspondent ainsi aux évolutions sociales contemporaines qui, célébrant l’individualisme, décomposent l’idée de solidarité sociale. »
[3] P. MALAURIE, « Liberté et responsabilité », Defrénois, art. 37891