Source : Cass Soc., 10.06.2015 – n°13-27.144 à 13-27.148, 13-27.150 à 13-27.167
En l’espèce, 24 salariés embauchés par un premier employeur, sont à la suite de la cession de l’activité recherche et développement de celui-ci, engagés par une seconde société, la première société formalisant avec eux une lettre de rupture du contrat de travail.
Le second employeur licencie l’ensemble de son personnel pour motif économique quelques mois plus tard, consécutivement à sa mise en liquidation ; des transactions sont signées avec chacun des salariés.
Ces 24 salariés initient une procédure contre le premier employeur, considérant qu’il a procédé à une réduction d’effectifs en dehors de tout plan de sauvegarde de l’emploi et demandent l’annulation de la rupture de leur contrat de travail voire à titre subsidiaire la requalification de ces ruptures en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Peut-on considérer que les contrats de travail des salariés dans l’entreprise cédante ont été transférés de plein droit compte tenu de la modification dans la situation juridique de l’employeur ?
En d’autres termes leur premier contrat s’est-il poursuivi ou a t-il pris fin de sorte qu’un second contrat a été conclu avec la société cessionnaire ?
La Cour d’Appel considère en l’occurrence qu’aucun transfert de plein de droit des contrats de travail n’est intervenu, que les salariés n’ont pas adhéré volontairement au transfert du contrat de travail et qu’ils pouvaient prétendre à des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture de contrats de travail différents.
L’employeur avait développé différents moyens dans son pourvoi : il contestait le fait qu’aucun transfert de plein droit des contrats de travail n’ était intervenu puisque le contrat de cession portait sur un fonds comprenant différents éléments et notamment la clientèle du fonds cédé, que le transfert d’une entité économique autonome peut s’opérer même si la reprise ne porte que sur une partie des éléments corporels ou incorporels.
Sur ce point, la Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel qui après avoir constaté que la cession de l’activité ne portait que sur une partie de la clientèle et pour certaines références uniquement, le premier employeur conservant la gestion de la paie et du service informatique ainsi que la fabrication du produit de sorte que la branche d’activité cédée ne disposait d’aucune autonomie, a jugé qu’il n’existait aucun transfert de plein droit de son contrat de travail..
Le transfert de plein droit des contrats de travail suppose conformément à la jurisprudence constante de la Cour de Cassation un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
L’employeur soutenait par ailleurs qu’il y avait eu adhésion volontaire au transfert du contrat de travail, moyen rejeté puisqu’il remettait en discussion devant la Cour de Cassation l’appréciation des éléments de fait et de preuve pour lesquels la Cour d’Appel n’avait pas à entrer dans le détail de l’argumentation des parties.
Il ne pouvait pas davantage être fait grief à la Cour d’Appel de décider qu’en l’absence de tout transfert d’une entité économique autonome, la transaction conclue entre les salariés et le cessionnaire à la suite des licenciements n’emportait pas renonciation des salariés à toute contestation des conditions dans lesquelles le premier employeur avait mis un terme à la première relation contractuelle.
S’agissant du dernier moyen, la société considérait que compte tenu de la reprise d’ancienneté, les salariés avaient été indemnisés dans le cadre de la transaction après avoir reçu paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement et qu’ils ne pouvaient être indemnisés deux fois pour un même préjudice : la Cour de Cassation par une décision parfaitement logique considère que lorsque des salariés ont signé un contrat de travail distinct, ceux-ci peuvent prétendre à des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture de contrats de travail différents.
En l’absence de tout transfert de plein droit, conventionnel ou légal, les employeurs se sont succédés, sans poursuite du contrat initial.
Si une reprise d’ancienneté est prévue par le second employeur, il est clair que celui-ci peut être amené à verser une indemnité de licenciement qui couvrira la période d’emploi chez le précédent employeur.
Et le premier employeur versera de son côté une indemnité de licenciement qui sera liée également à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Pour la Cour de Cassation deux contrats donc légitimement deux réparations distinctes.
Patricia VIANE-CAUVAIN
Vivaldi-Avocats.