Réalisation d’une condition suspensive de cession de bail

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 1ère civ, 2 juillet 2014, n°13-11720

 

Les contrats préparatoires, tels que promesses de vente, synallagmatiques ou unilatérales, sont généralement conclus sous condition suspensive, le plus souvent de l’obtention par le débiteur d’un prêt[1] lui permettant le financement de l’opération envisagée ou d’une autorisation quelconque lui permettant d’exercer l’activité en vue de laquelle l’opération est réalisée.

 

Si l’article 1176 dispose que, « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé », encore faut-il que la non réalisation de la condition ne soit pas due au fait du débiteur qui n’aurait accompli aucune diligence en vue d’y satisfaire, sanctionné par l’article 1178 du Code civil : « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ».

Si la condition suspensive d’obtention d’un prêt[2] ou d’une autorisation administrative d’exploitation[3] ou d’un permis de construire[4] ne fait l’objet d’aucun débat sur l’identité du débiteur de la démarche, tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce dans le cadre d’une cession de bail, la condition suspensive y stipulée porte sur l’obtention de renseignements d’urbanisme attestant de l’absence de servitude particulière sur l’immeuble ou sur la renonciation de la mairie à son droit de préemption. Ces documents peuvent, en effet, être obtenus par le cédant comme par le cessionnaire.

 

Pour la Cour d’appel de Saint Denis de la Réunion, l’accomplissement de la condition suspensive incombe à celui qui en a l’intérêt. Dès lors que le cédant n’a pas l’obligation de faire les démarches visées dans la condition suspensive, au titre des stipulations contractuelles ou des dispositions législatives ou règlementaires, les démarches incombent au bénéficiaire de la condition, c’est-à-dire les cessionnaires.

 

En conséquence, il appartenait aux cessionnaires de s’enquérir des informations d’urbanisme et de purger le droit de préemption de la commune. Faute d’en justifier, les conditions suspensives sont réputées accomplies.

 

La Cour de cassation abonde dans son sens :

 

« Mais attendu qu’ayant énoncé que, selon l’article 1178 du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement, l’arrêt relève que seuls M. et Mme Y… avaient intérêt à la levée des conditions suspensives relatives à l’absence de servitude et de préemption, stipulées à leur bénéfice exclusif puisque destinées à assurer une exploitation paisible des locaux loués, et que malgré l’obligation leur incombant, ils s’étaient abstenus de toute diligence en vue de leur réalisation ; qu’en l’état de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».

 

Le débiteur de l’obligation concernée par la condition suspensive est donc toujours celui qui a intérêt à la levée de la condition.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Sur le sujet, cf article chronos Me Geneviève FERRETTI du 10 décembre 2013 sous Cass. 3ème Civ., 20 novembre 2013, n° 12-29.021

[2] 3ème civ, 17 mars 2010, n°09-13158 ; 1ère civ, 6 mai 2010, n°09-14690

[3] 3ème civ, 19 avril 2000, n°98-19187

[4] Cass civ., 16 avril 1986, JCP G 1988 II n°21033

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