SOURCE : Cass. com., 04 février 2014, Arrêt n° 168 FS-D (n° 13-10.778).
Trois associés avaient créé une SARL en août 2009 avec une répartition quasi égale du capital social, tous trois exerçant les fonctions de cogérant.
Deux des associés entrèrent en conflit avec le troisième, prétendant qu’il n’avait pas les qualités requises pour être mandataire social, lui reprochant diverses fautes dans ses fonctions techniques, outre la divulgation d’éléments confidentiels concernant leur mésentente.
C’est ainsi qu’après avoir convoqué leur coassocié/cogérant par voie d’Huissier à une Assemblée Générale du 03 janvier 2012 suite à son refus de leur proposition de rachat de ses parts sociales, ils le révoquaient, de sorte que celui-ci les assignait en vue d’obtenir le paiement de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif.
Les Premiers Juges, puis la Cour d’Appel de DOUAI dans un Arrêt du 24 octobre 2012 vont entendre le cogérant révoqué dans ses demandes et considérer qu’il semblait que les cogérants aient assimilé leurs divergences de vue avec un comportement décrit comme coupable à leurs yeux, alors que la mésentente au sein d’une société ne se gère pas par un limogeage de celui qui dérange, dès lors que celui-ci n’a commis aucune faute de gestion dans ses attributions de dirigeant.
Par ailleurs, la Cour d’Appel va également considérer que les circonstances entourant la révocation peuvent être qualifiées d’abusives dans la mesure où la convocation à l’Assemblée Générale réalisée par voie d’acte d’Huissier revêtait un caractère inhabituel assorti en outre d’une forme de chantage quant à la proposition de reprise de ses parts sociales, de sorte que le cogérant n’avait pas eu le temps matériel de faire un choix éclairé, ce qui rendait les circonstances de sa révocation brutale et vexante.
Ensuite de cette décision, la société se pourvoit en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, basé sur les dispositions de l’article L.223-25 du Code de Commerce, la société reproche à l’Arrêt d’appel d’avoir considéré que la révocation du coassocié était dépourvue de juste motif, au motif que la mésintelligence au sein d’une société ne se gère pas par un limogeage et qu’il appartient à la société de démontrer que l’intéressé avait commis une faute de gestion dans ses attributions de dirigeant, et d’avoir considéré qu’aucun des griefs invoqués par la société à l’encontre du cogérant révoqué ne correspond à une faute de gestion et n’est donc de nature à justifier la décision de révocation et qu’il ajoute encore que la simple existence de divergence de vue n’est pas suffisante pour légitimer la révocation intervenue.
La Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 04 février 2014, va retenir cette objection.
Considérant que la révocation du gérant d’une société à responsabilité limitée peut être justifiée, même en l’absence de faute démontrée, par l’existence entre les associés et ce gérant d’une mésentente de nature à compromettre l’intérêt social, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article L.223-25 du Code de Commerce.
Par ailleurs, toujours à l’appui de son pourvoi, la société reprochait à l’Arrêt de la Cour d’Appel d’avoir considéré que la convocation par acte d’Huissier de Justice constituait un mode inhabituel de convocation et constituait une forme de chantage à la transaction proposée en annexe de la convocation, de sorte que la révocation était intervenue avec une certaine brutalité, le gérant révoqué n’ayant pas eu le temps de faire un choix éclairé, étant également observé que l’annonce préalable de son départ aux interlocuteurs commerciaux de la société était déjà vexatoire.
Là encore, la Chambre Commerciale va accueillir cette objection et considérant qu’en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de la société qui soutenait que le cogérant révoqué avait été convoqué par voie d’Huissier de Justice parce qu’il avait clairement annoncé avant la tenue de l’Assemblée ses intentions contentieuses, de sorte que la Cour d’Appel n’a pas satisfait aux exigences des dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
Par suite, la Cour de Cassation casse et annule l’Arrêt de la Cour d’Appel de DOUAI par un renvoi devant la même Juridiction, mais autrement composée.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats