Source : Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 12-15.052, FS-P+B+I
I. Les faits
Deux personnes ont acquis à distance le 28 mai 2010 deux motocyclettes auprès d’un commerçant. Après avoir pris livraison des véhicules le 2 juin 2010, elles ont exercé leur droit de rétractation le 7 juin suivant. Puis face au refus du commerçant d’annuler la vente elles ont saisi le juge de proximité de la difficulté qui a fait droit à leur demande par une décision rendue en dernier ressort.
Le commerçant a alors saisie la Cour de Cassation de la difficulté au motif selon lui que le jugement avait violé la loi en accueillant favorablement la demande de rétraction formulée par un consommateur portant sur un véhicule à moteur ayant fait l’objet au moment de la vente d’une immatriculation administrative au nom de l’acquéreur, le certificat d’immatriculation constituant un accessoire indispensable de la chose vendue de sorte que cette formalité administrative réalisée le bien devait être considéré comme nettement personnalisé au sens du texte précité .
II. La décision
Tel n’est pas l’avis de la Haute Cour qui rejette le pourvoi au motif que le jugement « Ayant relevé que les motocyclettes vendues aux termes d’un contrat conclu à distance avaient uniquement fait l’objet d’une immatriculation qui n’avait pu modifier leur nature ou leur destination, la juridiction de proximité en a exactement déduit que les biens vendus n’étaient pas nettement personnalisés, de sorte que l’exclusion du droit de rétractation prévue par l’article L. 121-20-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée aux acquéreurs ».
III. Le droit de rétractation
Pour toute vente de biens et fournitures de prestations de services à distance ne portant pas sur des services financiers conclue à distance le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs en application de l’article L121-20[2] du code de la consommation.
Celui n’a à supporter aucunes pénalités ; seuls des frais de retour peuvent lui être imputés, à l’exclusion de toute autre somme. Le professionnel doit rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé. Au-delà, la somme due est, de plein droit, productive d’intérêts au taux légal en vigueur.
L’article L 121-20-2 autorise toutefois le commerçant à contractuellement limiter ou à supprimer ce droit de rétractation dans des cas limitativement énumérés
– fourniture de services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours francs ;
– fourniture de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier ;
– fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent pas être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;
– fourniture d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur ;
– fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines ;
– services de paris ou de loteries autorisés.
C’est sur le fondement de l’alinéa 3 de ce texte que ce fondait le pourvoi du commerçant qui considérait que l’immatriculation « personnalisait » le bien au nom du consommateur. Le moyen méritais le débat même si la Cour de cassation juge le contraire par sa décision qui aura les honneurs des publications les plus larges.
Conséquences : la vente de véhicules à moteur même immatriculés au nom de l’acquéreur bénéficie du délai légal de rétractation
Eric DELFLY
Vivaldi-avocats
[1] « Le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf si les parties en sont convenues autrement, pour les contrats :
(…) 3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement »;
[2] « Le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour. Le consommateur peut déroger à ce délai au cas où il ne pourrait se déplacer et où simultanément il aurait besoin de faire appel à une prestation immédiate et nécessaire à ses conditions d’existence. Dans ce cas, il continuerait à exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités.
Le délai mentionné à l’alinéa précédent court à compter de la réception pour les biens ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services.
Lorsque les informations prévues à l’article L. 121-19 n’ont pas été fournies, le délai d’exercice du droit de rétractation est porté à trois mois. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient dans les trois mois à compter de la réception des biens ou de l’acceptation de l’offre, elle fait courir le délai de sept jours mentionné au premier alinéa.
Lorsque le délai de sept jours expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ».