Sanction d’un site de jurisprudence pour non-respect du droit à l’anonymat

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

  

SOURCE : Conseil d’Etat, 10ème / 9ème SSR., 23 mars 2015, n°353717, « Lexeek c/ CNIL »

 

En l’espèce, plusieurs personnes avaient mis en demeure, sans succès, le responsable d’un site Internet de jurisprudence, l’association Lexeek pour l’accès au droit, de respecter leur droit de s’opposer à ce que des données à caractère personnel les concernant fassent l’objet d’un traitement, prévu à l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

 

La CNIL, saisie de la difficulté, avait elle-même procédé à l’envoi de plusieurs mises en demeure au responsable du site Internet litigieux, mais les jugements nominatifs querellés étaient demeurés en ligne.

 

Par une délibération en date du 30 août 2011, la CNIL avait enjoint à l’association de cesser la mise en œuvre de ce traitement de données et avait prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 10.000 euros, ainsi que la publication de cette décision sur le site Internet de la CNIL et dans trois quotidiens.

 

C’est dans ce contexte que l’association a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation de la délibération de la CNIL.

 

La Haute juridiction a cependant débouté l’association par un raisonnement en trois temps :

 

1.  la mise en ligne sur le réseau d’une base de données de jurisprudence non totalement anonymisée, telle que celle gérée par l’association requérante, doit être regardée comme un traitement automatisé de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978, de sorte que le droit d’opposition qu’elle ouvre aux personnes concernées s’applique ;

 

2.  c’est à bon droit que, pour rendre sa décision, la CNIL s’est fondée sur la méconnaissance par l’association de l’article 21 de la loi du 6 janvier 1978, selon lequel « les détenteurs ou utilisateurs de traitements ou de fichiers de données à caractère personnel ne peuvent s’opposer à l’action de la commission et de ses membres et doivent au contraire prendre toutes mesures utiles afin de faciliter sa tâche » ;

 

3.  eut égard aux conséquences que peuvent avoir, pour les personnes concernées, la mise et le maintien en ligne de décisions de justice non anonymisées, les condamnations prononcées par la CNIL étaient parfaitement proportionnées à la gravité des manquements relevés.

 

La présente décision entre dans la ligne droite de la recommandation en date du 29 novembre 2001 sur la diffusion de données personnelles sur le web par les banques de données de jurisprudence, à l’occasion de laquelle la CNIL avait préconisé que les noms des parties à un procès soient anonymisés, afin de concilier le caractère public d’une décision de justice et le droit à l’oubli des personnes concernées.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

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