Le tiers saisi condamné à des dommages intérêts en cas de déclaration inexacte.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

SOURCE : Cass. com., 8 septembre 2015, n° 14-15831, F-P+B

 

A l’image des matières pénales ou civiles ou les justiciables se voient octroyés des dommages intérêts, les suretés prises par un créancier peuvent également entrainer un préjudice à ce dernier lors de l’intervention d’un tiers dans la mesure conservatoire ou exécutoire.

 

Le tiers saisi est donc soumis à des obligations particulières. Il doit non seulement garder la somme devenue indisponible mais il doit également fournir « sur le champs » les renseignements relatifs à l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que l’ensemble des modalités qui pourraient les toucher.

 

Ces obligations sont bien évidemment soumises à sanctions.

 

Ainsi, le tiers refusant tout concours sans motif légitime peut être condamné au paiement des sommes dues au créancier.

 

Néanmoins, il sera condamné au paiement de dommages intérêts qu’en cas de déclaration incomplète, inexacte ou mensongère[1].

 

Le seul moyen pour le tiers d’échapper aux sanctions est d’avoir un motif légitime qui n’a pas à être explicité sur le champ mais qui sera laissé à l’appréciation des juges du fonds.

 

C’est sur cette problématique de dommages intérêts que la Cour de cassation a été saisie.

 

Un débiteur a été mis en redressement judiciaire le 10 mars 2009 et un plan de redressement a été arrêté le 9 mars 2010. En exécution d’une ordonnance de référé du 17 septembre 2009 ayant condamné le débiteur à lui payer une provision, la société, a fait pratiquer le 21 avril 2011 une saisie-attribution entre les mains de M. Y…, notaire (le tiers saisi). Le 12 juillet 2011, le tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement du débiteur et ouvert une procédure de liquidation judiciaire.

 

Le 18 janvier 2012, le créancier a assigné le tiers saisi en paiement de dommages-intérêts pour déclaration inexacte sur le fondement de l’article R. 211-5, alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution.

 

La Cour d’appel a condamné le tiers saisi qui s’est pourvu en cassation.

 

La Haute Cour approuvera le premier moyen qui n’est pas ici l’objet de la réflexion mais censurera le second moyen en ce que la Cour d’appel a condamné le tiers saisi au paiement de dommages intérêts pour déclaration inexacte.

 

La Cour estime en effet que « pour condamner le tiers saisi au paiement de dommages-intérêts pour déclaration inexacte, l’arrêt, après avoir énoncé que l’indemnisation de la perte de la possibilité de recourir à d’autres mesures d’exécution forcée ne peut être d’un niveau égal à celui du bénéfice que le créancier aurait pu retirer de la réalisation de l’événement escompté, retient qu’il existe des éléments suffisants pour fixer à la somme de neuf mille euros le montant du préjudice subi par ce dernier 


Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser, ainsi qu’elle y était invitée, quelles étaient les autres mesures d’exécution qui auraient pu être diligentées par le créancier ainsi que leurs probabilités de succès, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
»

 

La Cour vient rappeler un élément fondamental, tout jugement doit être motivé permettant par la suite à la Haute Cour d’exercer son contrôle. La Cour d’appel est censurée pour avoir affirmé qu’elle avait « les éléments suffisants » pour apprécier l’indemnisation de la perte de chance du créancier.

 

La Cour rappelle ainsi que la perte de chance s’apprécie au regard de la probabilité qu’avait l’événement favorable de se produire.

 

Le préjudice octroyant les dommages intérêts doit être démontré « in concreto » ce que contrôlera la Cour de cassation.

 

Jacques Eric MARTINOT

Vivaldi-Avocats

 


[1] Civ1, 13 juillet 2005, n° 03-19138

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