Rupture conventionnelle : la signature au bistro, c’est oui ! Mais la signature dans un contexte de harcèlement moral et sexuel ou juste avant un plan social, c’est non !

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

Source :

Cour d’appel de BORDEAUX du 8 novembre 2012, n° 12/00626

Cour d’appel de BOURGES du 9 novembre 2012, n° 11/01636

Cour d’appel de BOURGES du 9 novembre 2012, n° 11/01667

 

1) Dans la première espèce, une salariée avait été engagée par un groupe de restauration en qualité d’agent de restauration et s’était retrouvée placée sous la responsabilité du premier assistant manager.

 

Ayant été agressée par son supérieur, la salarié, mise en arrêt maladie, déposait une plainte pénale à l’encontre de celui-ci, qui fut condamné par le Tribunal de Police de BORDEAUX puis licencié par la chaine de restauration pour « comportement pouvant s’assimiler à des actes de harcèlement moral et sexuel à l’encontre d’une subordonnée ».

 

Pour finir, la salariée et son employeur signaient une convention de rupture qui fut homologuée, de sorte que le contrat de travail fut rompu.

 

Pour autant, la salariée saisissait la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes  et en requalification de la rupture en un licenciement nul.

 

Le Conseil de Prud’hommes de BORDEAUX ayant accueilli ses demandes, la salariée interjette appel, insatisfaite sur le montant des dommages intérêts.

 

La Cour d’appel pour rendre sa décision sur la nullité de la convention de rupture, suit un raisonnement particulier. Relevant l’absence de faute de l’employeur (puisque les faits avaient été commis par un préposé ayant un lien hiérarchique avec la salariée) dont elle rappelle que cette circonstance ne peut l’exonérer de sa responsabilité en matière d’obligation de sécurité et santé au travail.

 

Par suite, la Cour considère que la rupture intervenue dans un contexte de harcèlement moral et sexuel est nulle. Elle doit donc s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

2) Dans la seconde espèce, une salariée engagée en qualité d’employée de vente, avait connu une courte période d’arrêt maladie à la suite de laquelle son employeur et elle avaient signé une convention de rupture.

 

La salariée saisissait pourtant le Conseil de Prud’hommes d’une demande de nullité de la convention prétendant que la procédure ayant abouti à la signature de la convention était nulle car antidatée, que l’entretien préalable s’était déroulé dans un bar était donc irrégulier et qu’un litige existait avec son employeur sur une rétrogradation de poste au moment de la rupture.

 

Déboutée par le Conseil de Prud’hommes de BOURGES, la salarié interjette appel renouvelant ses demandes sur les mêmes motifs tirés de l’irrégularité de la procédure ayant abouti à la signature de la convention.

 

La Cour d’appel n’entendra pas plus ses arguments. Relevant au contraire :

 

– l’absence d’aucun élément de nature à vicier le consentement de la salariée, laquelle n’avait pas fait usage de la faculté de rétractation prévue par la loi,

– l’absence d’élément de nature à attester de la réalité du litige existant avec son employeur,

– la présence des mentions obligatoires dans la lettre de convocation à l’entretien, notamment en ce qui concernait la faculté de se faire assister,

– l’absence d’exigence légale en matière de lieu de tenue de l’entretien, dont la Cour relève que l’employeur avait préféré la  convoquer en un lieu proche du domicile de la salariée lui évitant un déplacement au siège de la société situé à MONTLUCON,

– la possibilité de conclure une convention de rupture lorsque le contrat de travail est encore suspendu à la suite d’un arrêt de travail non professionnel.

 

Par suite, la Cour d’appel considère la convention de rupture comme parfaitement valable.

 

3) Dans la troisième espèce, le contrat de travail d’une salariée totalisant plus de 26 ans d’ancienneté, fut rompu dans le cadre d’une convention de rupture le 31 décembre 2009, alors qu’un plan de sauvegarde de l’emploi était prévu dans l‘entreprise, lequel fut officiellement annoncé le 12 février 2010.

 

Estimant que son employeur avait abusivement obtenu son accord pour une rupture, la salariée saisit le Conseil de Prud’hommes demandant la condamnation de l’employeur au versement des sommes qu’elle aurait du recevoir si le plan de sauvegarde de l’emploi lui avait été appliqué.

 

Le Conseil de Prud’hommes de BOURGES ayant accueilli ses demandes, la salariée interjette appel, insatisfaite sur le montant des dommages intérêts.

 

La Cour d’appel, relevant que le consentement de la salariée avait été vicié, confirme en tous points le jugement de première instance.

 

Concrètement, la Cour condamne l’employeur à verser à la salariée la différence entre les sommes qu’elle aurait du percevoir dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi et celles perçues en exécution de la rupture conventionnelle nulle.

 

La Cour rejette la demande de dommages intérêts formulée par la salariée pour manque de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail par son employeur, malgré la mauvaise foi évidente de celui-ci.

 

Christine MARTIN

Vivaldi-Avocats

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