Révocation d’un gérant de SARL : caractérisation du juste motif.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass com, 08 juillet 2014, n° 13-14307, Arrêt n° 689 F-D

  

Dans cette espèce, une société, ayant pour activité la location de véhicules, avait été constituée entre une personne physique et une personne morale, la cogérance de cette société étant assurée à la fois par l’associé personne physique et par le dirigeant de l’associée personne morale.

 

L’associé personne physique fut révoqué de ses fonctions de cogérant à l’issue d’une Assemblée Générale du 20 mars 2009 et a contesté cette décision déclarant souhaiter quitter la société. Il sollicitait donc des propositions de rachat de ses parts sociales. Aucun accord n’ayant pu être trouvé, il assignait la société devant le Tribunal de Commerce en paiement de dommages et intérêts pour révocation abusive.

 

La demande fut rejetée par le Tribunal de Commerce de BRIVE par un Jugement du 25 novembre 2011 qui a considéré que sa demande indemnitaire n’était que la conséquence de l’impossibilité de trouver un accord sur le rachat de ses parts et que la révocation de ses fonctions de gérant ne présentait aucun caractère vexatoire ou brutal.

 

Par contre, la Cour d’Appel de LIMOGES, dans un Arrêt du 17 janvier 2013, va accueillir favorablement la demande du dirigeant révoqué et condamner la société à lui verser des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériels et morals consécutifs à sa révocation injustifiée.

 

Ensuite de cette décision, la société se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, elle soulève les moyens suivants :

 

       Aucune décision de l’Assemblée ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l’accomplissement de leur mandat, de sorte qu’en retenant que le gérant n’avait pas commis de faute en engageant un agent de comptoir malgré les difficultés financières de la société et qu’en outre, il avait reçu quitus de sa gestion au titre de l’année 2008, année de l’embauche du salarié, la Cour d’Appel a porté atteinte aux dispositions des articles L.223-22 et L.223-25 du Code de Commerce.

 

       L’augmentation du chiffre d’affaires constatée au cours de l’année 2008 était consécutive au chiffre d’affaires extérieures, c’est-à-dire développées sur un secteur extérieur à l’agence de la société. En ne répondant pas à cette argumentation, la Cour d’Appel a violé l’article 455 du Code de Procédure Civile.

 

       Constatant que le gérant a violé l’article 18 des statuts en procédant à des investissements pour un montant important sans solliciter l’autorisation préalable des associés requise pour tout investissement supérieur à 10 000 € et en relevant que le gérant a augmenté sa rémunération en violation d’une clause des statuts qui impose une décision collective des associés, la Cour d’Appel a violé l’article L.223-25 du Code de Commerce.

 

Mais la Haute Cour ne va pas suivre la société dans son argumentation.

 

Soulignant que l’Arrêt relève d’abord que les associés ont donné quitus au gérant révoqué pour l’année durant laquelle il a procédé à l’embauche litigieuse et que l’autre cogérant n’avait formulé aucun reproche à l’égard de cette embauche ou des acquisitions litigieuses auxquelles le cogérant révoqué avait procédé sans l’autorisation requise des statuts, et que l’autre cogérant avait signé les demandes de financement correspondant à ces acquisitions qui étaient courantes pour la société et n’étaient pas excessives au regard de son activité, et que la fixation du salaire du gérant révoqué n’avait fait l’objet antérieurement à l’augmentation litigieuse, d’aucune décision des associés et n’avait jamais été contestée, de sorte que la Cour d’Appel a pu décider que la révocation de gérant avait été prononcée sans juste motif.

 

Par suite la Haute Cour rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi Avocats

 

 

 

 

 

 

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