L’agent commercial ne commet pas une faute grave en commercialisant pour son propre compte des produits concurrents à ceux de son mandant alors que celui-ci en était parfaitement informé au moment de la conclusion du contrat.

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

SOURCE : CA Paris 17 octobre 2013 n°12/10930, SA Bordeaux Loire et Champagne Diffusion / SARL MPF Diffusion)

 

L’agent commercial, en tant que mandataire civil, peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ce dernier.

 

De plus, les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information.

 

En l’espèce, une société qui commercialisait du champagne sous les marques Ayala et Bollinger avait conclu un contrat d’agent commercial avec une société qui commercialisait elle-même du champagne sous les marques Drapier et Tribaut auprès de la société M. afin de distribuer ses produits auprès de cette enseigne.

 

Après plusieurs années de bons et loyaux services, le mandant a notifié à son agent commercial la rupture de leurs relations pour faute grave en faisant état d’une difficulté survenue dans les relations avec M.

 

L’agent commercial assigne alors son mandant en paiement de l’indemnité de rupture et de préavis dont il estime avoir été indûment privé.

 

La Cour fait droit à la demande de l’agent commercial considérant que la faute grave n’est pas établie.

 

En effet, il ressort des faits de l’espèce que le mandant était parfait informé de l’activité principale d’achat/revente de son agent commercial avant la conclusion du contrat d’une part, il avait choisi cet agent en considération des relations commerciales qu’il entretenait avec M. d’autre part, il avait en outre sollicité de celui-ci qu’il revende une partie de son stock sous marque distributeur, enfin l’allusion aux relations avec M. ressortaient de la lettre de rupture puisque le mandant avait rompu les relations non au regard d’un manquement à l’obligation de loyauté mais en considération d’une difficulté rencontrée dans les relations avec l’enseigne M.

 

En outre, le mandant avait expressément accepté cette situation de concurrence en barrant la clause de non-concurrence prévue au contrat laquelle indiquait « la société s’interdit expressément pendant toute la durée du contrat d’intervenir pour le compte d’autres entreprises commercialisant du Champagne ».

 

En outre, la Cour avait constaté que le chiffre du mandant était en constante augmentation durant toute la durée du contrat.

 

La Cour a donc considéré que la faute grave de l’agent n’était pas caractérisée.

 

Le mandant avait en outre sollicité l’octroi de dommages et intérêts du fait de l’usage de motifs fallacieux utilisés pour rompre le contrat et de la tentative du mandant de mettre en place un système direct de distribution avec l’enseigne M. après la rupture.

 

La Cour rejette la demande de l’agent en considérant que « le mandant dispose du droit de mettre fin à un contrat d’agence, y compris pour en place un système de distribution direct de ses produits auprès d’une enseigne à condition d’indemniser son agent commercial du préjudice lié à la cessation de son activité. (…) ». Elle ajoute que l’agent ne démontrait pas le défaut de loyauté du mandant et le caractère vexatoire des conditions de la rupture du contrat.

 

Nous ajouterons que l’agent commercial, en tant que mandataire, ne dispose pas de clientèle propre (Cass. com. 29 juin 2010). L’indemnité de rupture est destinée à compenser non pas la perte de clientèle mais la perte de commissions liées à l’exploitation d’une clientèle appartenant à autrui.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

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