SOURCE : Cass Soc., 25 mai 2016, Arrêt n°14-20.578, F-P+B.
Une société de gestion de patrimoine avait embauché, le 14 février 2000, un salarié suivant un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de démarcheur, chargé de suivre et développer une clientèle de particuliers, en plaçant auprès de celle-ci divers produits financiers.
Le 26 octobre 2010, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement.
Le lendemain, le 27 octobre 2010, le salarié prenait acte de la rupture de son contrat de travail au motif du manquement de son employeur à ses obligations en matière de remboursement de frais professionnels et d’application de la convention collective des sociétés financières et entreprises de courtage en assurances.
Dès le 29 octobre 2010, le salarié créait avec un collègue une société ayant une activité concurrente de celle de son employeur.
Pourtant le salarié va saisir le Conseil des Prud’hommes le 20 janvier 2012 aux fins de voir son employeur condamner à lui payer diverses sommes et indemnités et notamment à lui payer une somme de 2 500 € pour maintien abusif d’une clause de non concurrence nulle.
Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de POITIERS, dans un Arrêt du 14 mai 2014, relevant que la clause de non concurrence figurant au contrat de travail du salarié ne fixait pas de contrepartie financière aux restrictions qu’elle imposait au salarié en matière d’emploi, va déclarer cette clause nulle.
Toutefois, la Cour d’Appel relevant que si par principe, outre l’action en nullité de la cause de non concurrence dont il dispose, le salarié peut également agir contre son employeur afin d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé cette clause, ce préjudice n’existe pas lorsque, comme en l’espèce, le salarié a exercé, après la rupture de son contrat de travail, l’activité interdite par la clause, le salarié ayant débuté une nouvelle activité concurrente de celle de la société au sein d’une structure constituée avec un ancien collègue.
Par suite, la Cour d’Appel déboute le salarié de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’Arrêt d’appel de l’avoir débouté de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant de l’illicéité et de l’annulation de la clause de non concurrence en soulevant la Jurisprudence jusqu’alors établie de la Cour de Cassation, selon laquelle la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non concurrence nulle cause « nécessairement » un préjudice au salarié.
Mais la Chambre Sociale énonçant que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relève du pouvoir souverain de l’appréciation des Juges du fonds et relevant que la Cour d’Appel ayant constaté que le salarié n’avait subi aucun préjudice résultant de l’illicéité de la clause de non concurrence, revenant sur sa Jurisprudence antérieure, rejette le pourvoi.
Cet Arrêt est à rapprocher du récent Arrêt de la Chambre Sociale rendu le 13 avril 2016, rejetant le pourvoi d’un salarié qui réclamait l’indemnisation du préjudice subi du fait de la remise tardive de bulletins de paie, dont il avait maintenu la demande alors que ceux-ci lui avaient été remis lors de l’audience de conciliation, et que les Juges lui ont refusé au motif qu’il ne démontrait aucun élément relatif au préjudice qu’il aurait subi.
Ces deux décisions, l’une rendue en matière de remise tardive de documents de fin de contrat de travail et l’autre en matière d’illicéité d’une clause de non concurrence paraissent établir la volonté de la Cour de Cassation de mettre fin à la présomption de préjudices évoqués par le terme de préjudices « nécessairement » causés aux salariés en rétablissant l’obligation de preuve de l’existence d’un préjudice.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats