Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 juin 2023, 21-22.446, Publié au bulletin
I –
Dans un nouvel arrêt qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de cassation revient sur les missions du juge commis à la surveillance du Registre du Commerce et des Sociétés (ci-après « le RCS »), et des pouvoirs du greffes des tribunaux de commerce.
A l’origine de ce contentieux, une société conclut avec une autre, un traité d’apport du fonds de commerce de sa filiale. Finalement, les opérations sont avortées puisque ladite filiale est dissoute, dès lors, la caducité du traité d’apport est constatée par les juges (Arrêt de 2012).
Toutefois, ce changement d’orientation n’est pas sans poser de difficulté d’un point de vu administratif puisqu’entre temps, la société cessionnaire avait d’ores et déjà approuvé l’apport, et augmenté son capital social en conséquence.
La société cessionnaire a obtenu du greffe, les modifications apportées à son inscription au RCS en y mentionnant l’arrêt susmentionné de 2012, et en précisant que celles-ci étaient inscrites « suite à cette décision ».
La société cédante a quant à elle sollicité par requête au juge commis à la surveillance dudit RCS, d’enjoindre au greffier d’annuler les modifications opérées, et rétablir l’état antérieur des inscriptions.
II –
Les juges du fond enjoignent au greffe de procéder (i) à l’annulation des modifications inscrites à l’extrait Kbis de la société cessionnaire, avec remise en état antérieur des modifications, et (ii) à la mise en conformité de ses statuts, avec sa situation juridique telle qu’il résultait de l’arrêt susmentionné de 2012. Celle-ci leur en fait grief et se pourvoit en cassation.
La société cessionnaire considère que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n’ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l’efficacité des actes et pièces déposés en vue de l’inscription d’une mention au registre du commerce et des sociétés. Elle considère alors que par l’interprétation faite, que la Cour d’Appel a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence, et viole l’article 123-3 du Code de commerce.
Le juge commis à la surveillance du RCS avait-il le droit d’enjoindre aux greffiers d’annuler les modifications inscrites sur le Kbis de la société cessionnaire et de surcroit, de l’enjoindre à mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique ?
En premier lieu, a Haute Cour rappelle les dispositions suivantes :
- Article R123-95 du Code de commerce :
« Il [Le Greffier] vérifie que les énonciations sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d’une demande de modification ou de radiation, avec l’état du dossier
(…) ».
- Article L123-6 du Code de commerce :
« Le registre du commerce et des sociétés est tenu par le greffier de chaque tribunal de commerce, sous la surveillance du président ou d’un juge commis à cet effet, qui sont compétents pour toutes contestations entre l’assujetti et le greffier »
Au visa de ces textes, la Cour de cassation rappelle que si en effet il appartient aux greffiers de vérifier les énonciations d’une demande d’inscription au RCS, de s’assurer de leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires, avec les pièces justificatifs nécessaires, il appartient en revanche au juge d’intervenir pour interpréter les actes et pièces déposées, de sortes que c’est bien le juge commis à la surveillance du RCS qui doit intervenir pour trancher les contestations entre l’assujetti et le greffier.
Pour aller plus loin, dès lors qu’un débat oppose la société assujettie à un tiers, pour comme au cas d’espèce, éventuellement reconnaitre la qualité d’associé, le juge commis à la surveillance du RCS est écarté au profit du juge du fond, seul compétent en la matière.
Au cas d’espèce, les juges ont constaté que les énonciations de la demande de modification de l’inscription de la société cessionnaire au RCS n’étaient pas compatible avec l’état du dossier suite à l’arrêt de 2012, ont confirmé l’ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l’annulation des inscriptions modificatives litigieuses.
« (…) la cour d’appel, qui n’a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d’actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l’ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l’annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt. »
En revanche, la Haute Cour indique également, s’agissant de l’injonction de mise en conformité des statuts, que le pouvoir d’injonction conféré au juge commis à la surveillance du RCS par l’article 123-3 du Code de commerce, ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d’appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
« 17. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d’enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d’en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu’elle résulte de l’arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu’être déclarée irrecevable ».
Le pouvoir d’injonction offert au juge par l’article 123-3 du Code de commerce ne peut porter que sur les mentions inscrites sur le registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises.
En conclusion, excède ses pouvoirs, le juge commis à la surveillance du RCS qui fait injonction à une société de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
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