Rémunération du président révoqué pour perte de confiance.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : CA PARIS, pôle 5, Chambre 8, 17 septembre 2013, Arrêt n° 12/11615.

 

Le président du Conseil d’Administration d’une Société Anonyme, exerçant l’activité de société de bourse, a été révoqué de ses fonctions au motif d’une perte de confiance.

 

Dans le même temps, il était révoqué de l’ensemble de ses autres mandats exercés au sein du groupe.

 

Contestant sa révocation, le président a assigné la société aux fins de nullité de la délibération du Conseil d’Administration ayant pris la décision et de paiement de diverses sommes à titre de rémunération et de dommages et intérêts.

 

Par suite, la société faisait une demande reconventionnelle de paiement en dommages et intérêts en raison des fautes graves que l’ancien président aurait commises dans la gestion de plusieurs dossiers qui étaient, selon elle, à l’origine d’un important préjudice financier.

 

Cette situation va donner du fil à retordre à nos Juges du fond.

 

Dans un premier temps, par Jugement du 07 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de PARIS déboute l’ancien président de sa demande de nullité de la délibération du Conseil d’Administration, déclare la révocation régulière et condamne les sociétés du groupe à indemniser l’ancien président au titre des rémunérations et, dans le même temps, il condamne le président révoqué à indemniser solidairement les sociétés du groupe d’une somme à titre de dommages et intérêts en raison de sa mauvaise gestion, et enfin ordonne la compensation entre ces deux créances.

 

Ce Jugement va être confirmé partiellement par un Arrêt de la Cour d’Appel de PARIS du 26 janvier 2006 qui sera cassé le 30 mai 2007 par la Cour de Cassation.

 

Par suite, cette affaire revient à nouveau devant la Cour d’Appel de Paris, cette décision faisant l’objet de l’Arrêt précité du 17 septembre 2013.

 

Statuant tout d’abord sur la révocation de l’ancien président, rappelant qu’il est de principe que la révocation d’un président de Conseil d’Administration peut intervenir discrétionnairement à tout moment et qu’elle n’est abusive que si elle a été décidée brutalement, sans respect du contradictoire ou dans des circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant, relevant ensuite que le Conseil d’Administration avait été convoqué dans le cadre d’une procédure résultant d’une situation d’urgence, et que régulièrement convoqué, mais s’étant abstenu de participer à la réunion du Conseil d’Administration, la Cour considère que le président révoqué ne pouvait prétendre que la délibération était nulle ou présentait un caractère brutal.

 

De même, la Cour relève que, quant au caractère vexatoire, celui-ci n’est aucunement démontré, d’autant que la décision était prononcée pour perte de confiance.

 

En conséquence, la demande d’indemnisation du dirigeant révoqué sur ce point est rejetée par la Cour.

 

Sur la demande de paiement des rémunérations, la Cour relève que les modalités de versement de la rémunération de celui-ci avaient été fixées contractuellement, que cette convention excluait toute rémunération de quelque nature que ce soit « en cas de révocation par le président du Conseil d’Administration pour carence de capacité de direction, négligence ou fraude » ou en cas de démission.

 

Par suite, la Cour relève qu’en l’espèce, la révocation pour perte de confiance est un motif qui ne figure pas parmi les clauses exclusives de la rémunération, la Cour soulignant que la perte de confiance ne se confond pas certainement pas avec la carence de capacité de direction et que les fautes imputées à l’ancien dirigeant sont sans incidence sur le motif de sa révocation.

 

La Cour considère en conséquence que la convention qui fait la loi des parties oblige la société à régler les sommes stipulées contractuellement.

 

Quant au montant global des rémunérations, la Cour relève que les quatre éléments composant la rémunération du président doivent lui être versés, en ce compris les éléments assis sur une condition de réalisation des objectifs annuels ou à moyen terme dans la mesure où une telle condition est dépourvue de sens lorsque, comme en l’espèce, il est mis un terme au mandat du dirigeant en cours d’exercice.

 

Enfin, sur l’action en responsabilité intentée contre le dirigeant révoqué par la société, la Cour relève que les éléments soumis à son appréciation ne permettent pas de démontrer suffisamment l’implication personnelle du dirigeant révoqué, qui ne peut se déduire de sa seule position de dirigeant, dans les fautes reprochées, et que s’il apparaît que celui-ci a commis des manques de vigilance et d’inobservation des normes prudentielles, ces faits s’appréciant en termes de risque financier n’attestaient pas pour autant une perte, ni un préjudice certain, de sorte que la société est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier à l’encontre de son ancien dirigeant.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

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