Refus de transmission d’une QPC relative à la supposée rupture d’égalité entre coobligés ou garants d’un débiteur selon que ce dernier est en sauvegarde ou en redressement judiciaire.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : CA TOULOUSE, 27 juillet 2016 n° 16/00422.

 

La Cour d’Appel de TOULOUSE, dans un Arrêt du 27 juillet 2016, vient de refuser de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), jugeant que la question était dépourvue de caractère sérieux.

 

La partie demanderesse soutenait, et souhaitait que le Conseil constitutionnel se prononce sur le sujet, qu’il existe une différence de traitement, entre garants ou coobligés à la dette, selon que le débiteur principal bénéficie d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement.

 

Pour rappel, l’article L. 626-11, applicable en procédure de sauvegarde, dispose que :

 

«   Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous.

A l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s’en prévaloir. »

 

L’article L. 631-20 du même code dispose quant à lui :

 

«   Par dérogation aux dispositions de l’article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan. »

 

Ce second article est applicable en matière de plan de redressement par voie de continuation.

 

Ainsi, il existe une différence de traitement des coobligés ou personnes ayant consenti une sûreté personnelle, ou cédé ou affecté un bien en garantie, selon que lla débitrice est en procédure de sauvegarde ou en procédure de redressement judiciaire, dont l’issue est un plan.

 

Dans un cas, en sauvegarde, les coobligés ou garants peuvent se prévaloir des dispositions du plan, ce qui revient en pratique à dire que les créanciers ne peuvent les poursuivre personnellement jusqu’à l’issue du plan.

 

A l’inverse, en cas de plan de redressement, si le débiteur est bien protégé par les dispositions du plan, tel n’est pas le cas des garants et coobligés, qui peuvent quant à eux être poursuivis pour une dette qui n’est pourtant pas exigible à l’égard du débiteur principal.

 

La demande de QPC portait précisément sur ce que le plaideur qualifiait de rupture du principe d’égalité devant la loi, principe constitutionnel protégé par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et des Citoyens (CEDH).

 

La Cour d’Appel de TOULOUSE refuse donc la transmission de la QPC, rappelant que le principe d’égalité devant la loi n’est pas absolu. De manière constante, le Conseil constitutionnel énonce que ce principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas les différences de traitement qui en résultent soient en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

 

Au cas d’espèce, le législateur, par la loi de sauvegarde, a délibérément traité différemment les coobligés ou garants, selon que le débiteur bénéficie d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire. Il s’est agi d’inciter les sociétés en difficulté à solliciter des procédures de sauvegarde et donc à traiter plus amont leur difficulté (pour bénéficier de la sauvegarde, le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements).

 

Très clairement, et dans la grande majorité des cas, le garant ou coobligé protégé dans le cadre du plan de sauvegarde est le dirigeant de la société lui-même. En offrant au dirigeant ayant anticipé les difficultés de sa société ce « bonus procédural », le législateur espérait une anticipation plus régulière des difficultés et ainsi une amélioration (statistique) de l’issue des procédures collectives.

 

La rupture d’égalité entre les cautions et/ou garants selon le type de procédure collective et la différence de traitement qui en résulte sont donc en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’ont établi. Nous sommes donc là en plein de la doctrine du Conseil constitutionnel, et la Cour d’Appel de TOULOUSE a donc refusé de transmettre la question, comme étant dépourvue de caractère sérieux.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 

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