Obligation d’entretien du bailleur et dégradation de la galerie du centre commercial dans lequel est exploité le fonds.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 19 décembre 2012, n°11-23541, P+B+I

 

Au termes de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

 

Sur le fondement de cette disposition, certains preneurs,  victimes d’une désertification de la galerie marchande dans laquelle était situé leur bail, ont tenté d’obtenir des dommages et intérêts, en assignant leur bailleur pour non respect des obligations contractuelles à sa charge.

 

Dans un premier temps ces actions n’ont pas prospéré, la Cour de cassation considérait que le bailleur n’a pas l’obligation de maintenir un environnement commercial favorable de la galerie, car les obligations de délivrance, d’entretien et de jouissance paisible se cantonnent à la chose louée, et ne saurait être étendues à la galerie marchande[1].

 

Sa position s’est relativement assouplie ces dernières années[2], la Cour de cassation considérant que le bailleur est responsable de l’état d’entretien des parties communes lorsque que le défaut d’entretien prive le preneur des avantages qu’il tient du bail. La même position a été adoptée s’agissant de l’obligation de délivrance et de jouissance paisible, dans le cadre du mauvais fonctionnement d’une porte d’accès au centre commercial entravant l’exploitation normale des lieux loués[3].

 

Cette espèce est le prolongement de cette évolution jurisprudentielle : Dans cette affaire, un preneur a assigné son bailleur en résiliation de bail et en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi, au titre de l’état d’abandon dans lequel était laissée la galerie marchande. Le preneur reprochait à son bailleur, non pas la désertification de la galerie, l’ensemble des commerces s’étant déplacés vers un nouveau centre commercial construit à proximité, mais l’état de délabrement de la galerie : absence d’accès au toilettes, gravats empêchant l’accès au parking, un défaut d’éclairage, …

 

Dès lors que l’obligation d’entretenir le mail circulation et des aires de stationnement, figurait dans le bail du preneur, la Cour d’appel de Caen a prononcé la résiliation du bail aux torts du bailleur, qui n’a pas respecté ses obligations légales et contractuelles, entrainant une modification de la chose louée.

 

Cette position, logique, de la Cour d’appel, est approuvée par la Cour de cassation, qui en profite pour dépasser le cadre de la présente affaire et expliciter sa jurisprudence, au terme d’un conclusif ci-après reproduit :

« Mais attendu que le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire étant tenu d’entretenir les parties communes du centre, accessoires nécessaires à l’usage de la chose louée, la cour d’appel, qui a relevé un dépérissement général de l’immeuble, la suppression de l’accès aux toilettes WC du centre et l’existence de gravats et de levées de terre empêchant le libre accès au parking, en a justement déduit un manquement grave du bailleur à ses obligations légales et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »

 

On remarquera qu’aucune mention des stipulations du bail n’y est reproduit, et que la Cour vise uniquement les obligations « légales », à l’exclusion des obligations contractuelles, de sorte que les Hauts juges généralisent cette obligation  d’entretien du bailleur à toutes les conventions de bail commercial.

 

Cette obligation n’existe toutefois que si le bailleur est propriétaire de « l’ensemble du centre commercial ». Dans le cas contraire, le bailleur pourrait avoir à justifier des démarches effectuées auprès du syndicat de copropriété. 

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] 3ème civ, 20 juin 1995, n°93-16718 ; 3ème civ, 12 juillet 2000, n°98-23171 ; 3ème civ, 13 juin 2001, n°99-17985 ; 3ème civ, 28 juin 2005, n° 04-14087

[2] 3ème civ, 31 octobre 2006, n°05-18377

[3] 3ème civ, 31 octobre 2012, n°11-20660, Inédit

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