Quand la pratique innove pour combler un vide juridique

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com. 29 septembre 2015, Pourvoi n°14-14.727 FS-P+B

 

Le droit n’est pas une science exacte, et il survient parfois des cas non couverts par les textes, mais que parties et juges doivent pourtant bien traiter.

 

Tel est le cas ici.

 

Un débiteur avait fait l’objet d’un plan de cession en 1995 et un commissaire à l’exécution du plan nommé.

 

Une banque est admise au passif, et reçoit une provision à valoir sur sa créance.

 

Ce n’est qu’en 2004 que la déclaration de créance de la banque est (définitivement) jugée irrecevable, et le Commissaire à l’Exécution du Plan entreprend le recouvrement de la provision, dès lors irrégulièrement versée.

 

Toute la difficulté est, qu’à cette date, la mission du Commissaire à l’Exécution du plan a cessé. Et il est lui-même déclaré, tant en sa qualité de CEP, que de mandataire judiciaire (représentant des créanciers, à l’époque), définitivement déclaré irrecevable à agir contre la banque, sur le fondement de l’article 90 du décret de 1985 (devenu depuis l’article L626-25 du Code de commerce). Cet article liste en effet les prérogatives du CEP. Mais a contrario… une fois sa mission terminée, il n’a plus qualité pour agir.

 

Il y a bel et bien un vide juridique :

 

       La liquidation n’est pas encore clôturée ;

 

       Des actifs résiduels restent à recouvrer ;

 

       Mais les organes de la procédure, quelque soit leur « casquette », n’ont pas qualité pour y procéder.

 

Le Tribunal de la procédure collective va alors désigner un mandataire ad hoc, avec mission de recouvrer les sommes auprès de l’établissement bancaire.

 

L’arrêt ici commenté porte sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt d’appel ayant refusé de rétracter l’ordonnance de désignation du mandataire ad hoc.

 

Et le pourvoi est rejeté : la Cour prend soin de souligner que la Cour d’Appel ne s’est justement pas fondée sur les dispositions de l’article 90 (désormais L626-25), pour en déduire qu’un mandataire ad hoc pouvait être désigné pour exercer dans l’intérêt collectif des créanciers, l’action en recouvrement qu’aucun organe de la procédure collective n’avait désormais qualité à poursuivre.

 

Cet arrêt doit être approuvé sans réserve. Car cette intervention, qui vient combler une lacune du texte, la banque aurait, à bon compte, échappé à ses obligations, au détriment de la procédure collective, simplement en raison de l’écoulement du « temps judiciaire ».

 

Force est de constater que cet arrêt, en validant une construction purement prétorienne qui n’existe pas dans les textes, en respecte parfaitement l’esprit.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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