L’inopposabilité de la conciliation préalable au créancier par la caution.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

 

Source : Cass. Com., 13 octobre 2015 n° 14-19734, n° 896 FS-P + B + I

 

Le caractère accessoire du cautionnement induit qu’il ne peut exister de cautionnement sans engagement valable du débiteur garanti. Par ce caractère, acte de cautionnement et contrat du garanti sont indubitablement liés.

 

Or, l’article 2313 du Code civil précise que «  La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.

 

Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. »

 

La dette et le cautionnement sont alors connectés, la disparition de la dette principale entrainera avec elle la disparition du cautionnement.

 

Force est de constater que la définition que l’on apportera aux notions d’exception inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur revêt un intérêt majeur en l’espèce.

 

L’exception inhérente à la dette que peut exciper la caution sont notamment le paiement, la prescription, la compensation, la remise.

 

L’exception personnelle au débiteur est la nullité relative tirée du dol[1] ou encore un engagement de caution ne peut être supérieur à la dette exprimée dans l’acte de cautionnement.

 

Il s’ensuit que le créancier a l’obligation de contracter de bonne foi avec la caution sous peine de s’exposer au prononcé de la nullité de l’acte de cautionnement pour résistance dolosive, à des dommages intérêts pour faute ou encore pour défaut de mise en garde sur le caractère risqué de la caution apportée.

 

La Cour de cassation vient préciser la définition de l’exception inhérente à la dette dans son arrêt rendu le 13 octobre 2015.

 

En l’espèce, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une procédure de conciliation devant être préalable à la mise en œuvre de la caution.

 

Une personne s’était portée caution par acte sous seing privé au bénéfice d’un établissement bancaire en garantie d’un prêt immobilier contracté par une société.

 

Etabli par acte authentique, le contrat de prêt stipulait qu’en cas d’incident de paiement, les parties s’obligeaient à mettre en œuvre une procédure de conciliation préalable.

 

L’emprunteur devenant défaillant, la Banque a assigné la caution en paiement, faisant fi de la procédure de conciliation préalable.

 

La caution soulève l’irrecevabilité de la demande au motif que la Banque s’était abstenue de recourir à la procédure de conciliation préalable.

 

La caution précise en effet que cela constituait une exception inhérente à la dette qu’elle pouvait soulever pour demander l’irrecevabilité de la demande.

 

Satisfaisant à la demande de la caution, la Cour d’appel fut cependant censurée par la Cour de cassation.

 

La Cour de cassation estime en effet que « Qu’en statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu’une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d’exercice de l’action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu’elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;  »

 

La Cour vient estimer que les modalités de règlement de la créance ne constituent pas une exception inhérente à la dette opposable par la caution.

 

La caution restera en effet tenue par sa dette de cautionnement quelle que soit la procédure opérée par le créancier.

 

La caution pourra opposer la réduction ou la disparition de la créance, exceptions inhérentes à la dette mais les modalités de règlement ne pourront être qualifiées que d’exception personnelle.

 

La caution pourra le cas échéant demander des délais de paiements au juge qui lui seront personnels, charge à elle de se retourner par la suite contre le débiteur.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. Ch. Mixte 8 juin 2007, n°03-15602

 

 

 

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