SOURCE : 3ème civ, 22 octobre 2015, n°14-20096, FS – P+B
Sauf lorsqu’il est inclus dans la cession du fonds de commerce (article L145-16 du Code de commerce) le droit au bail n’est pas librement cessible, et nécessite l’accord du bailleur. A cette difficulté s’en ajoutent notamment trois autres :
Pour le cédant : celui-ci reste généralement, par une stipulation expresse du bail, garant solidaire et indivisible du cessionnaire ;
Pour le cessionnaire : celui-ci hérite d’un droit au bail pour le temps restant à courir, et ignore la position que prendra le bailleur à l’issue de la durée contractuelle, à laquelle s’ajoute un risque de déplafonnement du loyer en cas de modification de la destination du bail ;
difficultés pouvant remettre en cause l’engagement de chacun. Pour y palier, certains praticiens insèrent dans l’acte de cession du droit au bail une condition suspensive tenant, outre à l’accord du bailleur à la cession, à la signature d’un nouveau bail aux clauses et conditions initiales, entre le cessionnaire et le bailleur.
Tel est le cas dans cette espèce dans laquelle l’exploitant d’un pressing a consenti à un établissement bancaire une promesse synallagmatique de cession de son droit au bail commercial sous condition suspensive de la conclusion d’un nouveau bail. Le bailleur ayant accepté la cession, mais refusé la signature d’un nouveau bail aux conditions initiales, notamment de loyer, le cessionnaire a refusé de réitérer l’acte de vente.
Le cédant l’a assigné aux fins de déclarer la vente parfaite.
Les juges du fonds relèvent en premier lieu que la non réalisation de la condition suspensive est sans faute du cessionnaire. Puis, s’agissant de la validité de la condition suspensive, remise en cause par le cédant, les magistrats considèrent que cette clause est valable : Elle est la résultante de l’accord des parties, que le juge ne peut remettre en cause « en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres ».
Le cédant à dénoncé devant la Cour de cassation ce « non sens juridique ». En effet, il pouvait paraître déconcertant de conclure un acte selon lequel le cessionnaire acquiert un droit afin d’en jouir, sous condition suspensive de le détruire…
La Cour de cassation accueille favorablement le moyen et casse l’arrêt. Elle considère que « la condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite ».
Plutôt que de convenir d’une condition suspensive, le cédant optera donc pour une condition suspensive de renonciation, par le bailleur, au bénéfice de la garantie cédant-cessionnaire (limitée à 3 ans depuis la loi PINEL). S’agissant du cessionnaire, il conditionnera son engagement à la renonciation du bailleur à invoquer toute modification de la clause de destination pour obtenir, le cas échéant, le déplafonnement du loyer du bail renouvelé et, sur la durée restant à courir, méditera sur son propre engagement.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats.