Qualité pour agir en relèvement des fonctions du Commissaire aux comptes.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass com., 10 février 2015, Arrêt n° 178 FS-P+B (n° 13-24.312).

 

Une société anonyme française, filiale d’un groupe international, va nommer un nouveau commissaire aux comptes à l’échéance du mandat de son prédécesseur.

 

A l’occasion de sa prise de fonction, le nouveau Commissaire aux comptes va identifier diverses difficultés inhérentes à l’organisation interne de la société ayant une incidence sur la bonne tenue de la comptabilité.

 

Il en avertit donc le dirigeant qui lui confie d’ailleurs une mission supplémentaire de diligences à effectuer dans le cadre d’un audit de comptabilité, afin d’évaluer la bonne tenue des comptes de l’entreprise.

 

Quelques mois plus tard, l’associé britannique de la société identifiait une série d’opérations réalisées sur les années antérieures qu’il qualifiait d’irrégulières, en ce qu’elle paraissait étrangères à l’objet et à l’intérêt de la société puisque les agissements en cause menaient à une appropriation de fonds et d’actif au bénéfice d’entreprises possédées ou contrôlées par des sociétés ayant pour associés des membres de la famille du dirigeant.

 

Par suite, l’associé révoquait le dirigeant de la société, en même temps qu’il engageait à son égard diverses procédures, dont une plainte pénale pour abus de biens sociaux.

 

Parallèlement, le nouveau Commissaire aux comptes va se retrouver à confronter à une volonté de blocage des services comptables et financiers de la société, qui va lui refuser toute communication de pièces et d’éléments nécessaires, tant pour l’accomplissement de sa mission légale que pour celui de sa mission d’audit particulier, les services comptables ayant entrepris d’ailleurs de faire obstacle au contrôle du Commissaire aux comptes en lui imposant notamment de devoir soumettre par avance et par écrit la liste des documents sur lesquels il serait amené à travailler, prétendant même lui interdire d’en faire des copies.

 

Confronté à une telle situation, le Commissaire aux comptes va se retrouver dans l’impossibilité de finaliser ses travaux.

 

Par suite, le Commissaire aux comptes va se retrouver contraint de refuser la certification des comptes de l’année 2008, puis de l’année 2009, en raison de l’obstruction systématique des services comptables, de la non communication des documents et informations demandés, de la non convocation au Conseil d’administration arrêtant les comptes et aux Assemblées Générales, de la non communication des documents juridiques et de la non communication de la liasse fiscale.

 

Parallèlement, le Commissaire aux comptes déclenchait une procédure d’alerte et informait le Parquet des obstacles faits à ses fonctions.

 

La société rétorquait en engageant plusieurs actions à l’égard de son Commissaire aux comptes et notamment une assignation afin de le voir relevé de ses fonctions.

 

Retenant l’argumentation développée par la société, le Tribunal de Commerce de MEAUX, par une décision du 04 octobre 2011 va relever le Commissaire aux comptes de ses fonctions.

 

Le Commissaire aux comptes va faire appel de ce Jugement et demander l’infirmation de la décision entreprise, invoquant une irrecevabilité de la demande pour défaut de qualité à agir. Il prétendait en effet que la société n’avait pas qualité pour agir en demande, n’étant pas l’une des personnes qualifiées par la loi pour agir au sens de l’article L.823-7 du Code de Commerce et en application de l’article 122 du Code de Procédure Civile, ce qui constituait, selon lui, une fin de non-recevoir.

 

Toutefois, la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 13 juin 2013, ne va pas suivre le Commissaire aux comptes sur son argumentation relative au défaut de qualité à agir de la société, relevant que l’assignation a été délivrée par la société, prise en la personne de son directeur général et Président.

 

Par suite, l’Arrêt d’appel va entièrement confirmer le Jugement rendu en première instance.

 

Ensuite de cette décision, le Commissaire aux comptes se pourvoit en Cassation.

 

Bien en lui en prit, puisque la Haute Cour, au visa de l’article L.823-7 du Code de Commerce, relevant que la société, dont les comptes sont contrôlés, ne figure pas au nombre des personnes ou entités ayant qualité pour demander le relèvement des fonctions de son Commissaire aux comptes, elle casse et annule dans toutes ses dispositions l’Arrêt rendu entre les parties.

 

A toutes fins utiles, il semble bon de préciser qu’en effet, aux termes des dispositions de l’article L.823-7 du Tribunal de Commerce le relèvement des fonctions de Commissaires aux comptes, avant l’expiration normale de leur mandat, peut intervenir sur décision de justice à la demande de l’organe collégial chargé de l’administration, de l’organe chargé de la direction, d’un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5 % du capital social, du comité d’entreprise, du Ministère Public ou de l’autorité des marchés financiers.

 

La société contrôlée n’étant pas visée par le texte, la Chambre Commerciale a fait une stricte application des dispositions légales en censurant l’Arrêt d’Appel.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

Partager cet article