Procédure d’inaptitude troublée par la mise en retraite du salarié à 60 ans : quelle indemnisation pour le salarié ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 30 juin 2015, Arrêt n° 1143 FS-P+B (n° 13-28.201).

 

Un salarié, engagé le 03 mai 1976 par les Houillères devenues établissement public des Charbonnages de France, était devenu ultérieurement ingénieur, puis placé en arrêt maladie à compter du 22 février 2002.

 

Reconnu inapte à l’issue d’une première visite médicale subie le 27 octobre 2004, il demandait, conformément aux dispositions de l’article R.241-51-1 du Code du Travail aux services santé de le convoquer à la seconde visite médicale en vue de déterminer son aptitude à reprendre le travail.

 

Pourtant le salarié ne sera jamais convoqué à cette deuxième visite de reprise.

 

Reconnu en invalidité le 11 janvier 2005 à compter rétroactivement du 1er janvier de la même année, il sera mis à la retraite à l’âge de 60 ans le 28 février 2010 par son employeur.

 

Ayant saisi la Juridiction Prud’homale de diverses demandes, il va se pourvoir en Cassation à la suite d’un Arrêt rendu par la Cour d’Appel de METZ le 31 octobre 2013.

 

A l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir rejeté sa demande de rappel de salaires à compter du 1er janvier 2005 et de dommages et intérêts du fait de l’absence de seconde visite d’inaptitude.

 

Mais la Chambre Sociale, relevant que si l’employeur qui s’abstient, après le premier examen médical de reprise, de faire effectuer par le médecin du travail le second des examens exigé par l’article R.4626-31, commet une faute, il appartient au Juge du fond, dans cette hypothèse, d’allouer au salarié, non pas le paiement de salaires sur le fondement de l’article L.1226-4 du Code du Travail inapplicable, mais une indemnisation du préjudice réellement subi, et relevant que la Cour d’Appel ayant constaté que l’employeur avait manqué à ses obligations à cet égard, a indemnisé le salarié du préjudice qu’il a subi à compter du 1er janvier 2005, conformément à la demande du salarié présentée devant elle, elle rejette le pourvoi sur ce point.

 

Par ailleurs, le salarié reproche également à l’Arrêt d’Appel d’avoir rejeté sa demande au titre du harcèlement moral, considérant que l’employeur doit être tenu de répondre des agissements des personnes qui participent de son fait à l’exécution de son obligation de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et que tel est le cas du médecin du travail chargé à sa demande de se prononcer sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à reprendre son emploi à l’issue d’un arrêt de travail pour maladie, qu’en l’espèce, le médecin du travail chargé par l’employeur de procéder à la visite de reprise s’était itérativement et fautivement opposé à la réalisation de ces examens et à la délivrance des avis exigés et avait, par ces agissements répétés, placé le salarié qui ne percevait plus d’indemnités journalières à compter du 1er janvier 2005 et faute d’avis régulier d’inaptitude n’était ni reclassé, ni licencié, ni en situation de réclamer la reprise du paiement de ses salaires, qu’en excluant que de tels agissements caractérisaient un harcèlement moral dont l’employeur aurait été tenu responsable, la Cour d’Appel a violé les dispositions légales.

 

Mais la Chambre Sociale, relevant que le médecin du travail, même salarié au sein de l’entreprise, assure les missions qui lui sont dévolues aux termes de l’article L.4623-8 du Code du Travail dans les conditions d’indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, de sorte que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a décidé que le comportement du médecin du travail dans l’exercice de ses fonctions n’était pas susceptible de constituer un harcèlement moral de la part de l’employeur.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.

 

Toutefois, la Chambre Sociale va accueillir l’argumentation du salarié sur deux points particuliers.

 

Tout d’abord sur la demande d’indemnisation du salarié au titre d’une discrimination résultant de sa mise à la retraite à l’âge de 60 ans, la Chambre Sociale va considérer que pour rejeter la demande du salarié sans constater que pour la catégorie d’emploi du salarié, la différence de traitement fondée sur l’âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la Cour d’Appel a violé l’article 2 alinéa 2 de la directive européenne n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

 

Par ailleurs, accueillant également la demande d’indemnisation du salarié en raison de la communication par le médecin d’éléments tirés de son dossier médical, la Chambre Sociale, relevant que l’Arrêt d’Appel a retenu que le médecin du travail s’était vu infligé un blâme et que le salarié ne démontrait pas une quelconque faute de son employeur qualifiée par lui de recel de violation de secret professionnel, alors que l’employeur avait produit aux débats une attestation du médecin du travail comportant des éléments tirés du dossier médical du salarié, de sorte que la Cour d’Appel a violé l’article L.4623-8 du Code du Travail et l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel, mais seulement en ce qu’il avait rejeté les demandes du salarié au titre de la discrimination en raison de l’âge de sa mise à la retraite et au titre des dommages et intérêts pour recel de violation du secret professionnel.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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