Augmentation de capital : caractérisation de l’abus de minorité.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : CA PARIS, Pôle 5, Chambre 5 du 05 septembre 2013, Arrêt n° 11/08180

 

Une société comportait deux associés, l’un personne morale à hauteur de 65 %, l’autre personne physique à hauteur de 35 %, ce dernier étant par ailleurs lié à la société par une convention d’apporteur d’affaires et d’agent commercial.

 

Dans le même temps, le gérant de la société était également président de la société personne morale et associé majoritaire de la société.

 

Le résultat de la société étant lourdement déficitaire, le gérant convoquait les associés à une Assemblée Générale Extraordinaire en vue de se prononcer sur une augmentation du capital social qui aurait eu pour effet de porter celui-ci de 100 € à 337 900 € par compensation des créances dues à la société par son associé majoritaire.

 

L’associé minoritaire ayant refusé de voter « pour » la résolution visant à procéder à l’augmentation de capital, la société l’a fait assigner afin que soit constaté qu’il avait commis un abus de majorité et qu’un mandataire ad’hoc soit désigné afin de voter une décision conforme à l’intérêt de la Société.

 

Le Tribunal de Commerce de BOBIGNY, par un Jugement du 22 mars 2011, ayant fait droit à cette demande, l’associé minoritaire interjette appel de cette décision soutenant que son refus de voter l’augmentation de capital ne constituait pas un abus de minorité de sa part, dans la mesure où il avait fait valoir à plusieurs reprises son opposition aux facturations pratiquées intra-groupe, soutenant qu’elles étaient totalement arbitraires et réalisées au détriment de la société, et étaient effectuées dans le seul but de faire remonter le bénéfice au sein des autres sociétés du groupe.

 

L’associé minoritaire prétend encore qu’il avait proposé des solutions alternatives à cette augmentation, d’une part en proposant de céder ses parts sociales à l’associé majoritaire et d’autre part en proposant à celui-ci d’abandonner purement et simplement sa créance à l’encontre de la société.

 

Par ailleurs, il fait également valoir que le projet d’augmentation de capital n’avait d’autre objet et/ou effet de diluer sa participation au sein du capital social et qu’en l’absence d’informations claires et précises sur la situation et l’avenir de la société, son refus était parfaitement légitime.

 

Mais la Cour d’Appel ne va pas suivre l’associé minoritaire dans son argumentation.

 

Relevant au contraire que l’associé minoritaire n’apportait aucune preuve justifiant ces allégations, et de son côté examinant précisément les faits et moyens de preuve portés à sa connaissance, et notamment qu’il résulte du procès verbal de l’Assemblée Générale Extraordinaire que l’associé minoritaire avait obtenu la réponse à toutes les questions qu’il avait pu poser lors de cette assemblée, lors de laquelle il avait également eu connaissance d’une situation prévisionnelle, ainsi que du rapport de la gérance joint à sa convocation, de sorte qu’il ne pouvait, au regard des précisions qui lui ont été apportées, considérer qu’aucun projet n’avait été élaboré pour la survie de la société et soutenir qu’aucune perspective d’avenir n’avait été fixée.

 

Par ailleurs, la Cour relève que la société se trouvait dans une situation financière particulièrement préoccupante puisque ses capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, et qu’en conséquence, l’augmentation de capital, à laquelle l’associé minoritaire s’était opposé, était donc essentielle à la survie de l’entreprise puisqu’elle permettait de compenser sa dette vis-à-vis de son associé majoritaire et qu’elle renforçait ainsi sa crédibilité envers les banques et organismes financiers à un moment où précisément sa banque lui avait, peu de temps auparavant, refusé de maintenir son concours.

 

En conclusion, la Cour considère que le refus de l’associé minoritaire de voter l’augmentation de capital, indispensable à la survie de la société, a été dicté par des considérations purement personnelles visant à maintenir sa part dans le capital social en empêchant la société de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouvait.

 

La Cour considère en conséquence que c’est à juste titre que les Premiers Juges ont qualifié ce refus d’abus de minorité et ont accueilli la demande de désignation d’un tiers pour voter à la place de l’associé minoritaire.

 

En conséquence, le Jugement de première instance est intégralement confirmé.

 

Cette décision est dans le droit fil de la Jurisprudence de la Cour de Cassation, laquelle considère qu’en matière d’abus de minorité lié au refus de voter une augmentation de capital, l’abus est considéré comme étant établi lorsque d’une part le refus du minoritaire est uniquement destiné à favoriser ses intérêts personnels au détriment de ses coassociés et lorsque d’autre part son attitude est contraire à l’intérêt de la société, en particulier lorsque l’augmentation de capital s’avérait indispensable à la survie de la société.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

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