Source : Cass. 3e civ. 22 septembre 2016 n° 15-13.896 FS-PBI.
Une assemblée générale de copropriété désigne deux copropriétaires en qualité de syndic et les autorise à agir en justice contre la société SCOR ayant ravalé la façade.
Le syndicat des copropriétaires, représenté par l’un d’eux, assigne cette société en paiement de certaines sommes.
Celle-ci soulève l’irrecevabilité de la demande, estimant qu’elle a été formée par un syndicat dépourvu de syndic, le syndicat n’étant dès lors pas valablement représenté en justice.
Une cour d’appel écarte cette fin de non-recevoir, au motif que l’assemblée générale a pu valablement désigner deux personnes pour exercer les fonctions de syndic et les mandater pour agir en justice.
Il est alors fait grief à l’arrêt attaqué statuant au fond (Cour d’appel de Reims, 18 décembre 2014) d’avoir confirmé le jugement entrepris et condamné la société Scor à verser au syndicat des copropriétaires, après compensation de ces dommages intérêts avec le solde du marché, la somme totale de 65.563,16 euros et ce faisant, d’avoir rejeté les demandes de la société Scor tendant à ce qu’il soit :
– constaté que le syndicat des copropriétaires est dépourvu de syndic, qu’aucune habilitation régulière à ester en justice n’a donc valablement pu être confiée aux deux copropriétaires « désignés en qualité de syndic »,.,
– jugés nuls l’assignation en référé du 16 octobre 2009 et par voie de conséquence l’ordonnance du 25 novembre 2009, le rapport d’expertise du 31 mai 2010, l’assignation au fond du 15 juillet 2010 et tous les actes de procédure subséquents en ce compris le jugement du 13 janvier 2012 et l’ordonnance du Premier président de la Cour d’appel du 2 mai 2012,
aux motifs propres que « sur la fin de non recevoir, à titre liminaire, il convient d’observer que les débats, conclusions et pièces versées au dossier établissent que la copropriété dont s’agit est composée de seulement trois copropriétaires, M. O., M. M. et la SCI Immovet, et ce depuis à tout le moins le 16 septembre 2005, date à laquelle l’assemblée générale ordinaire des copropriétaires s’est réunie pour délibérer sur la “désignation d’un syndic pour gérer la copropriété” ; que la résolution unique, adoptée à l’unanimité des membres de l’assemblée convoquée pour la date précitée, énonce que “les copropriétaires décident de gérer eux mêmes la copropriété étant donné qu’elle ne dispose d’aucune partie commune à l’exception des murs et d’un compteur d’eau”, que “MM. O. et M. étant sur place, s’occupent de faire établir les devis en cas de travaux et que, en réunion, les copropriétaires prendront les décisions qui s’imposent ensemble” et enfin que “pour les règlements, les copropriétaires régleront directement au prorata de leurs tantièmes les sociétés qui réaliseront les travaux” ; que cette situation d’autogestion par les trois copropriétaires, qui avaient donc décidé de retenir la désignation de deux de leurs membres pour exercer les fonctions de syndic, de préférence au recours à une personne physique ou morale extérieure à la copropriété, a perduré jusqu’au 18 septembre 2009, date à laquelle l’assemblée générale des copropriétaires, appelée à nouveau à se réunir pour délibérer sur “les pouvoirs à donner aux syndics à l’effet d’introduire une procédure contre la société Façades et Traditions”, a renouvelé sa confiance aux mêmes personnes en adoptant, toujours à l’unanimité de ses membres, une résolution unique aux termes de laquelle “les copropriétaires donnent pouvoirs nécessaires à Messieurs O. et M., ès qualités, à l’effet d’introduire devant le Tribunal de Grande Instance de Reims une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de la société Façades et Traditions, au regard des malfaçons et désordres constatés dans le cadre de la réfection extérieure de l’immeuble, mandater tout avocat, et plus généralement, faire le nécessaire” ;
La cour d’appel considérant dès lors que « la société Scor ne peut raisonnablement soutenir qu’en considération de son caractère trop général, l’habilitation ainsi donnée est de nul effet ; qu’en effet, cette résolution adoptée le 18 septembre 2009 fait suite à une précédente résolution adoptée encore une fois à l’unanimité de ses membres lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 10 octobre 2008, aux termes de laquelle ceux ci, après avoir délibéré sur les devis émanant des sociétés Loth, Cimaise, Sarefa et Façades et traditions, ont donné les pouvoirs nécessaires à MM. O. et M. à l’effet de conclure avec la société Façades et traditions un ensemble de prestations liées au ravalement de la façade de l’immeuble sis 22 rue Clovis à Reims, conformément au devis fourni, portant plus précisément sur des travaux de peinture, volets extérieurs, garde corps ainsi que la rénovation de la façade, et à cet effet de signer notamment tout devis et marché ; que c’est donc en pleine connaissance de cause, pour un objet parfaitement déterminé et dans la continuité de la résolution du 10 octobre 2008 que les copropriétaires ont mandaté, selon la résolution du 28 septembre 2009, les personnes physiques susnommées à l’effet d’intenter un procès à leur cocontractant » ;
que la société Scor alléguant en conséquence vainement tant le défaut de désignation par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 22 rue Clovis à Reims, d’un syndic, que l’absence d’habilitation valide de MM. M. et O. pour ester en justice dans le cadre de la présente procédure, il convient donc de rejeter la fin de non recevoir prise du défaut de qualité à agir de M. M., ès qualités de syndic du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 22 rue Clovis à Reims ».
Cet arrêt est toutefois censuré par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation qui, par cet arrêt du 22 septembre 2016 considère que :
« Sauf l’hypothèse particulière où la copropriété est organisée en syndicats principal et secondaires, le syndicat des copropriétaires est représenté par un seul et unique syndic ; qu’en jugeant que le syndicat des copropriétaires avait pu valablement désigner deux copropriétaires pour exercer les fonctions de syndic, la Cour d’appel a violé l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 ensemble les articles 28 et 29 du décret du 17 mars 1967.
Qu’en toute hypothèse, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ; qu’en rejetant la fin de non recevoir prise du défaut de qualité à agir en justice de M. M., seul désigné en qualité de syndic bénévole tant dans l’assignation en référé du 16 octobre 2009 que dans l’assignation au fond du 15 juillet 2002, tout en constatant que les copropriétaires de l’immeuble situé 22 rue Clovis à Reims avaient « décidé de retenir la désignation de deux de leur membres pour exercer les fonctions de syndic » et que l’assemblée générale du septembre 2009 avait adopté une résolution aux termes de laquelle « les copropriétaires donnent pouvoir nécessaires à MM. O. et M., ès qualités, à l’effet d’introduire devant le Tribunal de grande instance de Reims une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de la société Façades et traditions », la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le syndicat des copropriétaires n’était valablement représenté en justice que par deux copropriétaires agissant de concert, violant ainsi l’article 55 du décret du 17 mars 1967.
Cette solution est nouvelle.
Il résulte des dispositions de l’article 17 alinéa 1 de la Loi du 10 juillet 1965 que « Les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d’un conseil syndical ».
La question s’est donc posée de savoir si le syndic devait impérativement être confié à une seule personne et ce d’autant qu’il résulte de l’article 25 c de ladite loi que :
« Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : c) La désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical », étant toutefois relevé qu’il a été considéré que ce pluriel concernait l’hypothèse particulière où la copropriété est organisée en syndicats principal et secondaires.
En l’espèce, la Cour de cassation, après avoir donc exclu expressément ce cas particulier, se positionne clairement en faveur de l’impossibilité de désigner plusieurs syndics.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats