Responsabilité du Syndicat des Copropriétaires et prescription acquisitive d’une servitude de vue.

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Un Syndicat des Copropriétaires ne mettant pas fin à une servitude de vue illicite préjudiciable à un tiers engage sa responsabilité. L’arrêt rendu par la Cour de cassation rappelle également que l’absence de déclaration d’urbanisme et le défaut d’autorisation de travaux de percement de mur extérieur d’un immeuble soumis au statut de la copropriété ne fait pas obstacle à l’acquisition par prescription d’une servitude de vue.

Civ. 3e, 21 avr. 2022, FS-B, n° 21-12.240

I –

Un propriétaire d’un lot à usage professionnel au rez-de-chaussée de la résidence « Port des sables », soumise au statut de la copropriété, a créé dans le mur extérieur de cette résidence plusieurs ouvertures donnant sur le fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de la résidence « Le Soleil » et a aménagé une terrasse sur ce fonds.

C’est dans c’est condition que le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence « Le Soleil » a assigné le Syndicat des Copropriétaires voisin en suppression des ouvertures litigieuses et en cessation de l’empiétement.

Le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence « Port des sables » a de son côté assigné en intervention forcée le propriétaire à l’origine des ouvertures et de l’empiétement.

II –

Le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence « Port de sables » a été condamné in solidum aux côtés du propriétaire à fermer les ouvertures et supprimer tout empiétement sur le fonds appartenant au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence « Le Soleil » mais également à restituer aux lieux leur état initial et à payer au syndicat de la résidence Le Soleil une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

Selon la Cour d’appel, la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence « Port des sables » s’explique par le fait que ce dernier n’a pas mis en demeure le propriétaire indélicat de remettre en état le mur dans lequel celui-ci avait pratiqué une ouverture, constituant une négligence « en relation de cause à effet avec le préjudice » invoqué par le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Soleil, à savoir un empiétement sur sa propriété.

Un pourvoi en cassation a été formé par le Syndicat des Copropriétaires de la résidence « Port des sables ».

III –

La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

Sur le premier point à savoir la question de la condamnation in solidum, selon la Haute Juridiction, la cour d’appel a exactement retenu qu’il appartenait au syndicat de la résidence Port des sables, informé des ouvertures pratiquées par le propriétaire indélicat dans un mur partie commune de la copropriété sans son autorisation, donnant sur le fonds voisin appartenant à la résidence «  Le Soleil » et susceptible de préjudicier à cette dernière, de le mettre en demeure de rétablir les lieux dans leur état initial.

La faute du Syndicat des Copropriétaires « Port de sables » a contribué au préjudice subi par le Syndicat des Copropriétaires voisin.

A propos du second sujet, à savoir la fermeture des ouvertures, la Cour de cassation rappelle qu’une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait-même de la présence de l’ouverture donnant sur l’héritage d’autrui et dont la possession subsiste tant qu’elle n’est pas matériellement contredite.


La Cour d’appel, pour condamner le propriétaire à fermer les ouvertures, énonce que nul ne peut prescrire en vertu d’une possession s’établissant sur des actes illicites ou irréguliers et retient que les vues droites et directes sur la résidence « Le Soleil » ont été percées dans le mur appartenant à la résidence Port des sables sans son accord et sans déclaration en application des dispositions de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme.

La Cour d’appel a donc jugé que la possession invoquée par le propriétaire indélicat s’est établie sur des actes irréguliers et qu’il ne saurait être invoqué la prescription acquisitive.

Or et selon la Cour de cassation, l’absence de déclaration préalable d’urbanisme et le défaut d’autorisation des travaux de percement par l’assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l’acquisition d’une servitude de vue par prescription.

En conséquence, l’absence d’autorisation n’entache pas la possession étant ajouté que les autorisations d’urbanisme sont délivrées sous réserve du droit des tiers, une infraction au code de l’urbanisme est sans incidence sur l’acquisition d’une servitude de droit privé.

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