Pour un contribuable salarié et dirigeant d’une société, la « casquette » portée au moment du départ à la retraite a des incidences fiscales sensibles…

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source : CE, 22/10/2012 n°325466

 

En l’espèce, un contribuable était à la fois dirigeant et salarié de la société dont il détenait la quasi-totalité des parts.

 

Ce contribuable a pris sa retraite et a perçu à cette occasion des indemnités qu’il n’a pas soumises à l’impôt sur les sociétés estimant que celles-ci étaient exonérées.

 

L’administration fiscale a rectifié le revenu de ce contribuable en imposant les indemnités perçues au motif que ces indemnités n’avaient pas été perçues dans le cadre d’une cessation forcée de son activité de dirigeant, excluant ainsi toute exonération en vertu de l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts (CGI).

 

Les juridictions administratives ont confirmé la position de l’administration fiscale.

 

Le Conseil d’Etat saisi a, quant à lui, estimé que les indemnités perçues étaient bien exonérées d’impôt sur le revenu.

 

C’est l’article 80 duodecies du CGI qui prévoit les modalités d’imposition de toutes sommes perçues par un salarié à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

 

Cet article prévoit également les modalités d’imposition pour les indemnités perçues par un dirigeant de société à l’occasion de la fin de son mandat social.

 

Selon que le contribuable est salarié ou mandataire social, les règles d’imposition sont différentes dans la mesure où pour le salarié l’article 80 duodecies prévoit le licenciement et le départ à la retraite alors que pour le mandataire social, seule la révocation est envisagée.

 

Pour un salarié, l’indemnité qu’il perçoit en cas de rupture de son contrat de travail est imposable sauf exception. Sont concernées les indemnités perçues en cas de licenciement économique. Les indemnités perçues pour un licenciement « normal » et un départ à la retraite sont imposables si elles sont supérieures à certains seuils prévus par l’article 80 duodecies du CGI.

 

Pour le mandataire social, la règle est que l’indemnité est imposable sauf celle versée dans le cadre d’une cessation forcée de ses fonctions notamment une révocation. Dans ce cas, l’exonération se fait à hauteur des mêmes seuils que pour les salariés en cas de départ à la retraite et de licenciement « normal ».

 

En annulant l’arrêt rendu, le Conseil d’Etat reproche aux juridictions administratives de ne pas avoir fait la distinction entre le statut de salarié et le statut de dirigeant partant à la retraite pour déterminer les modalités d’imposition de l’indemnité.

 

En effet, les juridictions administratives sont parties du principe que les sommes versées aux contribuables l’ont été dans le cadre de son mandat social.

 

Or, le Conseil d’Etat relève, qu’au vu de l’instruction du dossier, il est clair que les indemnités ont été perçues dans le cadre de la rupture du contrat de travail suite au départ à la retraite.

 

Dans ce cas, ce sont bien les règles applicables aux salariés et non aux mandataires sociaux qui s’appliquent pour déterminer les règles d’imposition de l’indemnité perçue.

 

Le Conseil d’Etat statue par la suite au fond et règle la difficulté.

 

La question était en outre de savoir si les indemnités perçues pouvaient bénéficier des exonérations prévues au 1er alinéa de l’article 80 duodecies.

 

La question se pose en effet puisque il y a une identité de personne entre le salarié et l’employeur.

 

Cependant, le Conseil d’Etat estime que l’indemnité perçue par le contribuable peut être exonérée dans la mesure où le départ à la retraite s’est fait à l’initiative de l’employeur sans qu’aucune confusion n’ait eu lieu.

 

Cela est d’autant plus flagrant que le départ à la retraite du contribuable s’est organisé dans un dispositif de transmission de l’entreprise de la société aux salariés et que le contribuable est resté suite à son départ à la retraite mandataire social de sa société.

 

Le Conseil d’Etat relève ainsi que ce départ à la retraite a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise.

 

Au vu de toutes ces constatations, le Conseil d’Etat décide que les indemnités perçues par le contribuable constituent d’une part une indemnité relevant de son statut de salarié et que d’autre part cette indemnité peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts en cas de départ à la retraite.

 

Le Conseil d’Etat se prononce ici pour la première fois sur l’articulation des fondements de l’exonération des indemnités de départ perçues par un contribuable qui cumule les fonctions de mandataire social avec un contrat de travail.

 

Il fait une appréciation poussée des conditions du versement de l’indemnité et du départ montrant ainsi aux juridictions administratives le chemin à suivre pour les contentieux à venir.    

 

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article