Sources : JO Sénat Q 4 juin 2015, p. 1324 Rép. min. n° 12395
Telle était la question posée à la ministre du Logement qui, dans sa réponse, a rappelé que :
« Les infractions au Code de l’urbanisme constituent des délits. Leur prescription est, conformément à l’article 8 du Code de procédure pénale, de trois ans. Ce délai s’applique quelle que soit la zone où se situe le projet. Il commence à courir à compter de l’achèvement des travaux. Toutefois, tout acte de poursuite ou de procédure judiciaire peut interrompre le délai de prescription. La Cour de cassation précise que, lorsque les infractions d’exécution de travaux sans permis de construire ou déclaration préalable et en méconnaissance du plan local d’urbanisme, s’accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu’à leur achèvement, alors la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elle sont destinées (Cass. crim., 18 mai 1994, n° 93-84.557 ; Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-80.574) ».
La question qui vient naturellement à l’esprit est : peut on alors que l’ouvrage est irrégulièrement construit obtenir de nouvelles autorisation d’urbanisme ? La réponse nécessite de distinguer selon que la construction irrégulière a été ou non construite selon les normes en vigueur .
Construction irrégulière mais conforme aux règles en vigueur
Lorsque les travaux envisagés sur une construction irrégulière n’en sont pas dissociables et n’entrent pas dans le cadre de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme ou de la jurisprudence Fernandez, la demande relative à ces travaux ne peut légalement qu’être rejetée dès lors que leur autorisation seule n’est pas susceptible de régulariser l’ensemble de la construction[1].
Mais, lorsque la construction est conforme aux règles en vigueur, le permis de construire portant sur son ensemble peut être sollicité et obtenu dès lors qu’il la régularise. Le permis est même susceptible d’être obtenu en cas de poursuites judiciaires ayant donné lieu à une condamnation définitive. Ainsi, le Conseil d’Etat juge que « l’autorité compétente pour statuer sur une demande de permis de construire visant à régulariser l’édification antérieurement opérée d’un ouvrage dont la démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive n’est pas tenue de rejeter cette demande. Il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer un permis de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet et des règles d’urbanisme applicables »[2].
La régularisation éventuelle n’efface rétroactivement l’infraction ni sur le plan pénal[3], ni sur le plan civil[4], mais le permis -correspondant aux travaux réalisés ou autorisant des modifications destinées à rendre la construction conforme aux règles en vigueur- permet d’éviter l’obligation de mise en conformité au permis initial ou, lorsque celle-ci est impossible, la démolition de la construction.
Construction irrégulière et non conforme aux règles en vigueur
S’agissant d’une construction irrégulière, la demande ne portant que sur les travaux sollicités ne pourra qu’être rejetée. En outre, dès lors qu’elle n’est pas conforme aux règles en vigueur, aucune régularisation n’est possible.
Mais, sous réserve que la demande porte sur l’ensemble de la construction, certains travaux limités pourront, à certaines conditions, être autorisés.
En effet, le Conseil d’Etat a jugé que « dans l’hypothèse où l’autorité administrative envisage de refuser le permis sollicité parce que la construction (un immeuble édifié sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables) dans son entier ne peut être autorisée au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, elle a la faculté, dans l’hypothèse d’une construction ancienne, à l’égard de laquelle aucune action pénale ou civile n’est plus possible, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d’autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à sa préservation et au respect des normes, alors même que son édification ne pourrait plus être régularisée au regard des règles d’urbanisme applicables. ».
Par cette décision, le Conseil d’Etat, tout en confirmant les fondements de sa jurisprudence Thalamy précitée[5], institue une exception comportant des conditions -actions civile et pénale prescrites, nécessité de préserver le bâtiment et de respecter les « normes », intérêts privés poursuivis supérieurs à d’éventuels intérêts publics s’y opposant-, dont il appartiendra à l’autorité compétente d’apprécier, sous le contrôle du juge, l’application.[6]
En conséquence, le constructeur aura le choix entre le statu quo (hors mise aux normes), et la démolition et la réalisation d’une construction conforme aux règles en vigueur.
L’équipe Vivaldi-Chronos
[1] CAA Paris 29/06/04 n° 00PA03428 ; CE 3/5/11 n° 320545 ;
[2] CE 8/7/96 n° 123437 ; 26/2/01 n° 211318.
[3] Cass. Crim. 2/10/81 n° 80-94295.
[4] Cass. Civ. 30/3/94 n° 91-22013.
[5] Cf arrêt « Mme Thalamy ». CE 9/7/86 n° 51172 qui précise au demeurant que l’obligation de déposer une demande visant à la régularisation de l’ensemble de la construction en cause avant d’être autorisé à effectuer des travaux sur l’immeuble, quelle que soit leur importance, ne méconnaît ni le principe de sécurité juridique ni le droit de propriété, consacré notamment par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
[6]CE 3/5/11 n° 320545 précitée ; pour un commentaire de cette décision, mise en perspective, voir Elise Carpentier, AJDA 26/9/11 p. 1799 et s.