PEKIN EXPRESS : c’est pas du jeu, c’est un travail.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 04 février 2015, Arrêt n° 184 F-D (n° 13-25.621 à 13-25.626).

 

Six personnes ont participé pendant l’année 2007 au tournage de l’émission télévisuelle PEKIN EXPRESS, présentée comme « le récit filmé d’une course entre plusieurs couples de candidats unis par des liens d’amour, d’amitié ou familiaux qui se déroule en plusieurs étapes en France et à l’étranger. Les sept couples ont sept semaines pour parcourir une distance minimum de 10 000 Km entre le point de départ et le point d’arrivée. A l’issue des différentes étapes de la course, un seul couple remporte la victoire ».

 

Soutenant que le contrat intitulé « contrat de participation au jeu PEKIN EXPRESS » conclu avec la société de production devait s’analyser en un contrat de travail, ces six personnes ont saisi le Conseil des Prud’hommes de NANTERRE aux fins de réclamer des rappels de salaire et d’indemnités de rupture.

 

Mais le Conseil des Prud’hommes de NANTERRE, par un Jugement du 13 mars 2013, va écarter l’existence d’un contrat de travail, retenant notamment que les candidats restaient libres de leur décision et pouvaient quitter l’émission à tout moment, sans qu’il y ait de la part de la direction de la société de production un quelconque pouvoir de sanction, et qu’il n’y avait pas de rémunération, mais des gains fixés dans la règle de jeu, cette émission ayant bien été présentée auprès du CSA comme un jeu et déclarée comme tel, de sorte qu’aucun élément ne permettait de caractériser l’existence d’un contrat de travail.

 

Ensuite de cette décision, les salariés vont former un contredit, de sorte que l’affaire va être évoquée devant la Cour d’Appel de VERSAILLES.

 

Celle-ci dans un Arrêt du 10 septembre 2013, va, au contraire, considérer que la qualification de participation à un jeu doit être écartée dans la mesure où les éléments communiqués démontrent qu’au-delà d’un simple exercice ludique, des contraintes multiples ont été imposées aux candidats, ainsi que l’existence d’une rémunération confirment qu’il y a bien eu réalisation d’un travail salarié pour le compte d’un employeur qui attendait des personnes retenues une prestation particulière très encadrée et contraignante où elles se trouvaient pratiquement en permanence sous le regard des caméras et qui était destinée à s’inscrire dans une activité à finalité économique, de sorte que l’existence d’un contrat de travail est caractérisée.

 

Ensuite de cette décision, la société de production se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, la société de production reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir écarté la qualification de participation à un jeu pour retenir la qualification de contrat de travail lié à l’existence d’un lien de subordination.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre la société de production dans son argumentation.

 

Relevant au contraire :

 

– que la qualification de contrat de jeu a été écartée à bon droit dans la mesure où le jeu constituait seulement une partie du contenu de l’émission, celle-ci comportant outre des scènes de tournage des étapes et des épreuves diverses, des interviews sur le ressenti des candidats,

 

– que des journalistes qui suivaient les participants devaient tenter de les mettre dans des situations particulières ou les inciter à retrouver d’autres candidats à certains moments précis;

 

– et qu’enfin il était prévu, dans certains cas, que les règles du jeu seraient contournées pour cadrer avec les nécessités de tournage,

 

autant d’éléments ne relevaient pas de la catégorie du jeu.

 

En outre, la Chambre Sociale relève que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

 

Par suite, la Cour d’Appel qui a constaté :

 

– que le règlement candidat comportait des dispositions plaçant les participants sous l’autorité d’un directeur de course qui disposait d’un pouvoir de sanction,

 

– que les participants se voyaient imposer des contraintes multiples, tant dans leur comportement que relativement aux effets personnels qu’ils pouvaient garder,

 

– qu’ils étaient privés de tout moyen de communication avec leur environnement habituel,

 

– que les règles du jeu pouvaient être contournées à l’initiative de la société de production pour le rendre compatible avec les impératifs de tournage

 

– et que le règlement prévoyait en outre la prise en charge, par la société, de certains frais, ces sommes constituant, en réalité, la contrepartie de l’exécution d’une prestation de travail,

 

a pu ainsi caractériser l’existence d’une relation de travail dans un lien de subordination.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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