SOURCE : 3ème civ, 28 juin 2018, n°17-14.605 FS-P+B+I
Cela laissait peu de place au doute, mais la jurisprudence ne s’était pas encore positionnée sur la question en droit des baux commerciaux : Les commercialisateurs de biens ne pourront pas revendiquer de rémunération au preneur à bail commercial exerçant leur droit de préemption sur l’acquisition de l’immeuble qu’ils occupent, au visa de l’article L145-46-1 du Code de commerce.
Cette disposition, entrée en vigueur le 18 décembre 2014[1], et dont le champ d’application est encore débattu à la marge[2], permet au preneur à bail commercial de se porter acquéreur des locaux qu’il exploite, lorsque leur propriétaire envisage de les céder.
La purge du droit de préemption du preneur étant généralement réalisée à réception d’une offre d’acquisition transmise par un agent immobilier, quel est le sort de la rémunération du mandataire à l’issue de la préemption ? Plus précisément, puisque le tiers acquéreur supporte un prix d’acquisition augmenté des honoraires du commercialisateur, le preneur pouvait-il accepter une offre de vente sans ces frais annexes ?
Pour le candidat acquéreur évincé, qui était à l’origine du pourvoi dans l’espèce commentée, seule une réponse négative pouvait être apportée à la question : l’offre est globale, de sorte que le prix de vente et les frais de négociations sont indivisibles.
La question n’était pas nouvelle en baux d’habitation, la Cour de cassation, censurant un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, avait à cet égard rappelé que :
« (…) le locataire titulaire d’un droit de préemption acceptant l’offre de vente du bien qu’il habite qui n’a pas à être présenté par l’agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d’une commission renchérissant le prix du bien (…) »[3]
Position qu’avait suivie la Cour d’appel de DOUAI dans un arrêt du 12 janvier 2017[4], et qui sera désormais appliquée aussi en baux commerciaux :
« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation et ayant relevé que le preneur avait fait connaître au bailleur son acceptation d’acquérir au seul prix de vente, la cour d’appel en a exactement déduit que la vente était parfaite ; »
Le propriétaire des locaux est ainsi condamné à régulariser leur vente au profit du preneur à bail, bien que ce dernier ait refusé de supporter les honoraires de commercialisation.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] L’article 14 de la LOI n°2014-626 du 18 juin 2014 dite Pinel est entré en vigueur le 18 décembre 2014 en vertu de l’article 21 III de ladite loi.
[2] Cf notre commentaire sur vivaldi-chronos de l’arrêt rendu le 17 mai 2018 : Champ d’application du droit de préemption légal du preneur à bail commercial
[3] 3ème civ, 3 juillet 2013, n°12-19442, Publié au Bulletin. Dans le même sens : 1ère civ, 14 juin 1988, n°86-17557
[4] CA DOUAI, CH2 S1, 12 janvier 2017, n°15/07384