Notion de reprise des instances au paiement d’une somme d’argent : cela ne s’applique pas lorsque le débiteur… est créancier.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

Source : Cass. Com, 7 septembre 2017, pourvoi n°16-19.874, FS-P

 

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté n’aurait en réalité jamais dû aller jusque devant la Cour de Cassation.

 

Elle peut assez simplement être résumée :

 

– Un bailleur est placé en procédure collective ;

 

– Alors qu’une instance est en cours qui l’oppose à son preneur à bail, notamment sur la résiliation du bail, et sur le paiement de diverses sommes que le bailleur lui réclame.

 

La question de la résiliation du bail est ici de peu d’intérêt.

 

En revanche, la décision de la Cour d’Appel quant aux condamnations prononcées à l’encontre du preneur à bail, et donc au bénéfice du bailleur, valent le détour.

 

La Cour d’appel a en effet fait application des dispositions de l’article L622-22 du Code de Commerce, qui dispose que les instances en paiement reprises après déclaration de créances ne peuvent tendre qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

 

Ce principe d’interruption et d’interdiction des poursuites est un principe fondamental en matière de procédures collectives : il s’agit d’interdire au créancier l’exercice individuel de son droit de poursuite, et de la contraindre à la discipline d’une procédure… collective. Son instance visant à obtenir la condamnation de son débiteur est interrompue par l’ouverture de la procédure collective, et ne peut plus tendre qu’à la fixation de sa créance au passif, après reprise de l’instance, et plus à la condamnation.

 

En l’espèce, la cour d’appel fait donc application de ce principe, et, constatant la reprise de l’instance, inscrit la créance au passif de la partie en procédure collective.

 

Le problème ?

 

La créance du bailleur (en procédure collective), à l’encontre de son preneur à bail, a été inscrite au passif … du bailleur.

 

Vous avez bien lu : le bailleur a vu sa créance (et non sa dette) inscrite à son propre passif.

 

Bien sûr, la Cour de Cassation ne pouvait que casser l’arrêt. Mais elle en profite pour rappeler plus généralement le principe : « les dispositions qui prévoient que les instances en paiement reprises après déclaration de créances ne peuvent tendre qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ne s’appliquent pas aux créances dont le débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire est bénéficiaire ».

 

Dit autrement : les instances dans lesquelles le demandeur à l’action en paiement est placé en procédure collective ne sont pas interrompues par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier, et peuvent donner lieu à une décision de condamnation, et non de fixation de la créance.

 

La piqure de rappel est utile, car les interruptions d’instance constatées à tort en raison de l’ouverture de la procédure collective du demandeur, ne sont pas rares en pratique.

 

Etienne CHARBONNEL

Associé

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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