Même versé dans l’intérêt de l’entreprise, un pot de vin n’est pas déductible

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

 

Source : CE 4/02/2015 n°364708, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

Dès lors qu’une charge est engagée dans l’intérêt de l’entreprise et dans le cadre de son activité, elle est déductible.

 

Ont pu être considérées comme des charges déductibles les sommes versées à des agents publics dès lors que, dans certains pays, la corruption est fortement ancrée dans les habitudes locales et est incontournables pour avoir accès à certains marchés.

 

L’article 39 du CGI a été modifié à ce sujet lorsque la convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales a été ratifiée par la France.

 

Cette disposition précise qu’à compter de l’entrée en vigueur en France de la convention (le 29 septembre 2000), « les sommes versées ou les avantages octroyés, directement ou par des intermédiaires, au profit d’un agent public ou au profit d’un tiers pour que cet agent agisse ou s’abstienne d’agir dans l’exécution de fonctions officielles, en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans des transactions commerciales internationales, ne sont pas admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt ».

 

En l’espèce, la déduction des commissions versées à trois sociétés établies au Costa Rica a été refusée à une société au motif que ces sommes ont été transférées à des agents d’une entreprise publique en charge de l’attribution de marchés publics et que ces sommes étaient en rapport direct avec les marchés obtenus par la société redressée.

 

Au visa de l’article 39 du CGI, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par la société et juge « qu’il résulte de ces dispositions que la règle de non déductibilité qu’elles prévoient s’appliquent dès lors que l’administration établit que les sommes dont le contribuable demande la déduction ont été versées pour son compte, directement ou indirectement, à des agents publics dans le but de les corrompre ».

 

Pour refuser la déduction des charges, l’administration fiscale doit prouver 2 éléments :

 

Un élément matériel : le versement de sommes à des agents publics ;

 

Un élément intentionnel : la volonté de corrompre les agents publics par le versement des sommes.

 

Concernant l’élément intentionnel, celui-ci peut être considéré comme présumé dès lors que l’élément matériel est établi.

 

Le Conseil d’Etat a en effet jugé que la circonstance que les sommes versées pour le compte de la société auraient été détournées de leur objet à son insu et qu’elle ne pourrait ainsi pas être regardée comme ayant eu par elle-même une intention de corruption était sans incidence sur l’application des dispositions de l’article 39 du CGI.

 

Concernant l’élément matériel, celui-ci peut être établi par tout moyen par l’administration fiscale. Il ressort néanmoins des faits de l’espèce que l’élément matériel doit être sérieusement justifié par l’administration fiscale.

 

En l’espèce, celle-ci a fondé sa rectification sur la déclaration d’un agent du FBI dans le cadre d’une procédure judiciaire ouverte aux Etats Unis contre un dirigeant de la société et sur un accord de plaider coupable de ce même dirigeant, éléments corroborés par les résultats d’une enquête interne à la société.

 

Par ailleurs, les juridictions du fond ont constaté que la société ne justifiait pas que les commissions litigieuses correspondaient à la réalisation de prestations effectivement rendues par les sociétés bénéficiaires.

 

Dans ces circonstances, le Conseil d’Etat juge que les règles relatives à la charge de la preuve ont été respectées et que la déduction de la charge litigieuse a pu valablement être écartée.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

 

 

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