Marchés privés à forfait, norme AFNOR 03-001 et résiliation unilatérale du maître d’ouvrage

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

 

SOURCE : Cass. 3ème civ ; 23 mai 2012 ; n°11-13.011

 

C’est ce qu’a jugé la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation dans cet arrêt, publié au bulletin: 

 

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, du 14 décembre 2010), que la société L’Eau Belle, ayant confié, en qualité de maître de l’ouvrage, un marché de travaux tous corps d’état au prix global et forfaitaire de 8 730 800 euros TTC à la société Emeg, entreprise générale, a notifié à celle-ci, le 8 février 2008, la résiliation unilatérale prononcée à ses torts ; que la société EMEG, représenté par son mandataire liquidateur, M.X…, a assigné la société L’Eau Belle, représentée par la société Luc Gomis, mandataire liquidateur, en indemnisation et en établissement des comptes entre les parties ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que M.X… fait grief à l’arrêt de dire régulière la résiliation unilatérale et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

 

1°/ que les clauses résolutoires doivent être interprétées restrictivement ; que l’article  22.1.2.1 de la norme française Afnor P 003-01, sur le fondement de laquelle la société  L’Eau Belle a résolu sans mise en demeure le contrat du 7 mars 2006, précisait que le marché pourrait être résilié « dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux » ; qu’en décidant que la méconnaissance par la société Emeg des règles d’hygiène et de sécurité constituait un cas de tromperie grave sur la qualité d’exécution des travaux justifiant la résolution du contrat de plein droit et sans mise en demeure, la cour ‘appel a dénaturé l’article 22.1.2.1 de la norme Afnor P 03-001 et violé l’article 1143 du Code Civil ;

 

2°/ que, subsidiairement, M.X…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Emeg, faisait valoir que des manquements à l’obligation de veiller à l’hygiène et la sécurité des travaux ne pouvaient permettre la résiliation de plein droit du contrat en application de l’article 22.1.2.1 de la norme Afnor P 03-001 dans la mesure où les stipulations de la même norme relative à l’hygiène et à la sécurité du chantier ne faisaient aucunement référence à une faculté de résiliation  et prévoyaient au contraire, un arrêt de chantier … ; qu’en décidant que les manquements aux règles d’hygiène et de sécurité reprochés à la société Emeg justifiaient la résolution de plein droit du contrat de construction conclu le 7 mars 2006, sans rechercher s’il résultait des stipulations de la norme Afnor P 03-001 que le non respect des règles d’hygiène et de sécurité pouvait uniquement entrainer l’arrêt de chantier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code Civil ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que la société L’Eau Belle s’était prévalue de l’article 22.1.2.1 de la norme Afnor P 03-001 prévoyant que le marché pouvait être résilié dans le cas de tromperie grave sur la qualité d’exécution des travaux, à laquelle se référait expressément le marché, et retenu, par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation de cette clause, que la défaillance totale et persistante de la société Emeg à faire respecter par ses sous-traitants les prescriptions en vigueur en matière de sécurité des ouvriers et de prévention des accidents, indispensables à l réalisation des ouvrages dans les règles de l’art, était constitutive d’une tromperie sur la qualité d »’exécution des travaux, la cour d’appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir que la société L’Eau Belle était bien fondée à résilier le marché de plein droit et sans préavis et a légalement justifié de sa décision de ce chef… »

 

La norme AFNOR 03-001, qui  n’est applicable au marché que si les parties l’ont prévu au contrat (Cass. 3ème civ ; 16 juin 2009, n° 08-7.738), dispense, à son article 22.1.2.1, de préavis, la résiliation du marché à forfait en cas de tromperie grave sur la qualité d’exécution des travaux.

 

L’article vise ici la tromperie sur les matériaux et la qualité même des travaux (défaillance dans la solidité des ouvrages rendus dangereux par exemple,) mais aussi, nous apprend la Cour de Cassation, les conditions de travail sur le chantier.

 

Kathia BEULQUE

Vivaldi-Avocats

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