Loi MACRON : Vers une évolution du tarif des mandataires de justice ?

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Loi n°2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite Loi MACRON

 

Depuis la publication du rapport MONTEBOURG, la rémunération des professions judiciaires réglementées est dans le viseur du gouvernement.

 

La Loi MACRON a poursuivi, sur le sujet, deux objectifs :

 

       Une facilitation de l’accès aux professions de mandataire de justice[1].

 

       Une baisse des coûts.

 

Le texte adopté en août dernier, ne revient pas encore sur le mode de rémunération actuelle des mandataires, mais pose un certain nombre de nouveaux principes directeurs de fixation de ce tarif.

 

Ces nouvelles modalités sont, à ce titre, et de manière tout à fait symbolique, déplacées dans le livre IV du Code de Commerce, c’est-à-dire la partie consacrée au droit de la concurrence.

 

Ainsi, un nouvel article L.444-2 du Code de Commerce précise que les tarifs des mandataires de justice, notamment, doivent « prendre en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. »

 

L’alinéa 2 de cet article envisage par ailleurs, une possibilité de péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies.

 

Ainsi, les prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à certains seuils, fixés par l’arrêté conjoint prévu à l’article L.444-3 pourrait être fixé proportionnellement à la valeur du bien ou du droit.

 

Dans l’autre sens, l’alinéa 5 de l’article L.444-2 prévoit que « des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent article, et lorsque l’assiette de ce tarif est supérieure à un seuil défini par l’arrêté conjoint à l’article L.444-3.

 

Le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous, et compris dans des limites définies par voie réglementaire ».

 

Cette formulation, pour le moins sibylline, s’explique notamment par son large champ d’application, censé couvrir les professions de mandataire de justice, mais également les notaires, les commissaires priseurs, les huissiers de justice, et les avocats, en ce qui concerne, pour ces derniers, les domaines où ils sont soumis à un tarif réglementé, c’est-à-dire très spécifiquement le domaine des ventes immobilières.

 

Toute la difficulté est que, dans cette formulation la plus large possible, la marge de manœuvre du législateur, en matière de fixation de la rémunération des mandataires de justice, est pour le moins importante.

 

C’est d’ailleurs sur ce fondement que les dispositions ont été soumises à la censure du Conseil Constitutionnel, lequel les a pourtant déclarées conformes à la Constitution[2].

 

Les parlementaires ayant saisi le Conseil Constitutionnel reprochaient à la formulation, son caractère imprécis et, l’impossibilité, pour le lecteur du texte, d’appréhender correctement la portée de celui-ci.

 

L’autre reproche formulé à l’encontre des nouveaux articles relatifs à la rémunération des mandataires, portait sur l’intervention de l’autorité de la concurrence, laquelle pourra donner un avis sur les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable (article L.444-7 du Code de Commerce).

 

Reste à savoir ce que sera ce mode d’évaluation, ainsi que la rémunération raisonnable …

 

Le tarif des prestations sera désormais arrêté conjointement par les Ministres de la Justice et de l’Economie (article L.444-3) et le tarif sera révisé tous les 5 ans (alinéa 2).

 

Un point du texte, cependant, a été déclaré non conforme par le Conseil Professionnel. En effet, la Loi MACRON institue, toujours, au titre de son article 50, un fond interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice, afin de « favoriser la couverture de l’ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques et l’accès du plus grand nombre au droit. »

 

Corrélativement à la création de ce fond, la Loi prévoyait une contribution, à verser par tous les professionnels concernés, pour le financement dudit fond.

 

Le Conseil Constitutionnel a rappelé qu’il appartenait à la Loi, et non à un Décret, de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

 

Ainsi, en l’état du texte, le fond est créé, mais son financement n’existe plus.

 

Ce financement sera donc renvoyé à la prochaine Loi de Finance, qui ne manquera pas de revenir sur le sujet.

 

En conclusion, la Loi MACRON est pour le moins imprécise sur la rémunération future des mandataires de justice.

 

Toutefois, force est de constater que tous pouvoirs ont été donnés au gouvernement, pour procéder par voie de règlement, illimité, ce qui apparait déjà dans la Loi, a contrario, comme des rémunérations actuelles déraisonnables.

 

En résumé, la Loi MACRON veut des mandataires de justice plus nombreux, moins bien formés, moins rémunérés.

 

Si l’objectif d’ouverture du « marché des mandataires de justice » est peut être en route, il n’est pas certain, loin de là, que celui-ci aille dans le sens d’un meilleur traitement des procédures collectives.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cf nos articles sur le sujet :

– Publié le 30 décembre 2015, “Loi MACRON : La modification de l’accès aux professions d’administrateur et de mandataire judiciaire

– Publié le 7 janvier 2015, “Loi MACRON : La création d’un statut de mandataire de justice salarié.”

[2] Cons. Const. Décision n°2015-715 DC du 5 août 2015 n°40 et 41

 

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